Les Tunisiens ont boudé massivement les urnes, samedi 17 décembre, alors qu’ils étaient appelés à renouveler leur Parlement. La coalition d’opposition a appelé à la démission le président, Kaïs Saïed, qui avait voulu ce scrutin législatif pour mettre un point final au processus enclenché par son coup de force de juillet 2021.
Selon la commission électorale tunisienne, seuls 8,8 % des électeurs, soit quelque 803 000 électeurs sur 9 millions, ont voté. Il s’agit de la plus faible participation électorale depuis la révolution de 2011, après des records – près de 70 % aux législatives d’octobre 2014.
Le président de l’autorité électorale, Farouk Bouasker, a reconnu un « taux modeste mais pas honteux », estimant qu’il s’expliquait par « l’absence totale d’achats de voix (…) avec des financements étrangers », contrairement au passé, selon lui.
« Ce qui s’est passé aujourd’hui est un tremblement de terre », a déclaré Ahmed Nejib Chebbi, le leader du Front de salut national (FSN). « A partir de ce moment, nous considérons que Saïed est un président illégitime et nous exigeons qu’il démissionne après ce fiasco », a-t-il ajouté. L’opposition a aussi invité les Tunisiens à des « manifestations et des sit-in massifs » pour exiger une nouvelle élection présidentielle.
Pour Jawhar Ben Mbarek (FSN), « le peuple tunisien a envoyé un message aux forces étrangères – dont certaines ont soutenu le coup d’Etat de Kaïs Saïed – et au FMI qu’il ne reconnaît pas ce gouvernement, donc ils doivent revoir leurs calculs ».
Candidats inconnus
Accusant depuis des mois M. Saïed (élu fin 2019) de « dérive dictatoriale », l’opposition et la plupart des formations politiques ont boycotté le vote. Ils dénonçaient également un changement de loi électorale, imposant des candidatures sans affiliation à un parti. Avant le vote, la puissante centrale syndicale UGTT avait aussi jugé ces législatives inutiles.
La nouvelle Assemblée de 161 députés, aux pouvoirs très limités, doit remplacer celle que M. Saïed avait gelée le 25 juillet 2021, arguant d’un blocage des institutions démocratiques issues de la première révolte des « printemps arabes », après la chute du dictateur Ben Ali, en 2011.
Autre facteur pouvant expliquer la désaffection : les candidats (1 055), pour moitié enseignants ou fonctionnaires, étaient pour l’essentiel inconnus, avec très peu de femmes (moins de 12 %) dans un pays attaché à la parité. Depuis des mois, la crise économique est la préoccupation majeure des douze millions de Tunisiens, avec une inflation de près de 10 % et des pénuries récurrentes de lait, de sucre ou de riz.