Tel, la grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf, le Maroc veut « punir l’Espagne » en déployant massivement son « arme » migratoire face au voisin espagnol. Encouragé par le Makhzen, plus de 8.000 migrants ont débarqué depuis lundi dans la petite enclave espagnole de Ceuta, dont 4.000 ont été renvoyés au Maroc, selon les chiffres actualisés publiés hier par le ministère espagnol de l’Intérieur. Pour le royaume du « narcotrafic », ce « déferlement » se veut un moyen de pression sur l’Espagne qui avait accueilli le mois dernier le président sahraoui, Brahim Ghali, pour des soins suite à sa contamination par la Covid-199. Nul ne doute que la ruée de milliers de migrants sur Ceuta n’a pas pu se faire sans le feu vert de Rabat d’autant que les frontières marocaines sont censées être fermées jusqu’au 10 juin en raison de la pandémie. Selon Isaias Barreñada, professeur de relations internationales à l’Université Complutense de Madrid, cet afflux de migrants n’est « pas un hasard », car des milliers de personnes « n’entrent pas ainsi de façon spontanée » à Ceuta. « C’est un message fort » de la part de Rabat, a-t-il dit à l’AFP. En desserrant l’étau sur des milliers de migrants clandestin, l’objectif de Rabat est d’exploiter l’ «affaire Ghali» pour forcer la main à l’Espagne et l’amener à céder sur dossier du Sahara occidental. Un « prétexte » pour la ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya, qui souligne que les autorités espagnoles évoquaient depuis quelques jours «plusieurs menaces quasiment ouvertes de la part de représentants marocains, selon lesquelles ils pourraient utiliser la carte du contrôle de l’immigration si l’Espagne ne revenait pas sur sa décision d’héberger Ghali». Mais ce « coup de semonce» a fait « pischt ». La réplique ne s’est fait pas attendre. Madrid a tapé du poing sur la table par la voix de son Premier ministre Pedro Sanchez qui a promis, à son arrivée à Ceuta, de « rétablir l’ordre ». D’ailleurs, la ministre espagnole des Affaires étrangères a convoqué, hier, l’ambassadrice marocaine en Espagne, Karima Benyaich pour lui exprimer le « mécontentement » des autorités espagnoles et leur « rejet » face à « l’entrée massive » de migrants marocains à l’enclave de Ceuta. Comme un coup de sombrero, Rabat a décidé de rappeler, illico presto, son ambassadrice en Espagne pour consultation.
Le ‘’modèle’’ Erdogan
Ainsi, s’inspirant de son compère le Turc Erdogan, qui a sué les Européens avec la carte des réfugiés syriens, le roi du Maroc a veut faire de son « arme » migratoire un moyen de chantage et de pression pour exprimer, d’une part, son mécontentement contre l’accueil en Espagne du président du Sahara Occidental et chef du Front Polisario, Brahim Ghali, et, d’autre part, d’amener l’Espagne et la France à suivre l’exemple américain en reconnaissant la pseudo « marocanité » du Sahara occidental, en échange d’un rapprochement entre le Maroc et Israël.
Pour cela tous les moyens sont bons, y compris laisser filer l’émigration clandestine vers les Canaries espagnoles. D’autant qu’en Espagne, l’opinion est plutôt favorable au Front Polisario. En effet, depuis plusieurs mois, les autorités marocaines multiplient les signaux pour que le gouvernement espagnol reconnaisse la « souveraineté » du Maroc sur le Sahara occidental. Le 15 janvier dernier, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a exhorté l’Espagne à suivre la position des Etats-Unis. « L’Europe doit sortir de sa zone de confort et suivre la dynamique des Etats-Unis » a-t-il indiqué, ajoutant qu’ « une partie de l’Europe doit être plus audacieuse, car elle est proche de ce conflit ». Ainsi, l’objectif ultime de Rabat serait d’utiliser cette « arme migratoire » pour contraindre l’Espagne à modifier sa position dans un sens plus favorable aux intérêts marocains. En somme, le Maroc veut appuyer là où ça fait mal. Pour preuve, depuis lundi, le Makhzen garde le silence. Tandis que le directeur central de la police judiciaire, Mohamed Dkhissi, a voulu monter sur ses « chevaux » en affirmant dimanche sur la télévision publique marocaine 2M que l’Espagne était « perdante » dans cette brouille et que le Maroc, « qui est une puissance régionale (…) n’est le serviteur d’aucun pays ». Sic !
Badis B.