À mesure que les incertitudes géopolitiques redessinent les contours du commerce mondial, les investisseurs se ruent vers une valeur ancestrale : l’or. Mardi, le métal précieux a connu une envolée spectaculaire, illustrant la nervosité d’un marché secoué par les revirements de la politique américaine, un dollar en chute libre et la crainte d’un durcissement commercial imminent.
L’once d’or au comptant a progressé de 0,7 % à 3 325,79 dollars, tandis que les contrats à terme américains ont bondi de 0,9 % à 3 337,30 dollars. Ces hausses s’inscrivent dans un contexte où le dollar, frappé par des perspectives économiques incertaines et une politique monétaire contestée, est tombé à son niveau le plus bas depuis plus de trois ans.
Un monde économique en état d’alerte
Le regain d’intérêt pour l’or s’explique par l’anxiété qui plane autour de la date du 9 juillet, échéance fixée par Washington pour le déclenchement potentiel de nouveaux droits de douane, pouvant aller jusqu’à 50 %, après une suspension de 90 jours décrétée en avril. Cette menace pèse lourdement sur les marchés asiatiques et européens, où plusieurs nations cherchent désespérément à maintenir un équilibre commercial face à une Amérique de plus en plus imprévisible.
La frustration exprimée par Donald Trump vis-à-vis des négociations commerciales avec le Japon et ses critiques répétées contre la Réserve fédérale ont accentué le climat de méfiance. Dans une note adressée à Jerome Powell, président de la Fed, le chef de l’État a plaidé pour une baisse des taux d’intérêt, citant les modèles danois (1,75 %) et japonais (0,5 %) comme références. Une pression qui, si elle aboutit, pourrait accroître encore l’attrait de l’or en réduisant le coût d’opportunité de sa détention.
Une quête de stabilité dans le tumulte
Alors que les actifs à risque deviennent de plus en plus volatils, plusieurs économies — notamment émergentes — voient dans l’or une échappatoire à la domination du billet vert. L’affaiblissement du dollar rend le métal jaune plus accessible pour les détenteurs d’autres devises, amplifiant la demande mondiale. Dans ce contexte, l’or redevient ce qu’il n’a jamais cessé d’être : un rempart contre la dépréciation monétaire, les chocs politiques et les volte-face stratégiques.
Ces pays qui dorment sur un trésor
Dans ce climat tendu, certains pays observent les secousses financières avec une sérénité relative : ceux qui dorment sur des réserves d’or massives, accumulées depuis des décennies comme ultime garantie de souveraineté monétaire. Les États-Unis restent largement en tête, avec plus de 8 100 tonnes d’or entreposées principalement à Fort Knox. Suivent l’Allemagne (environ 3 300 tonnes), l’Italie et la France, qui en détiennent chacune plus de 2 400 tonnes. La Russie et la Chine, quant à elles, ont considérablement accru leurs réserves au cours des dix dernières années dans une stratégie assumée de dédollarisation, dépassant respectivement les 2 300 et 2 200 tonnes. Pour ces nations, l’or constitue bien plus qu’un actif financier : c’est un levier géopolitique, un instrument de résilience face aux turbulences occidentales, et parfois, une arme monétaire silencieuse.
Métaux précieux : tendances contrastées
Sur les autres marchés, les mouvements sont plus hétérogènes. L’argent est resté stable à 36,07 dollars l’once, tandis que le platine a perdu 0,5 % à 1 346,41 dollars. Seul le palladium a suivi la trajectoire de l’or, avec un gain notable de 1,3 % à 1 111,60 dollars.
Dans un monde où les équilibres se dérobent sous les pas des puissants, l’or retrouve son rôle de valeur refuge universelle. Et à mesure que les menaces tarifaires, les stratégies monétaires non conventionnelles et les ambitions protectionnistes s’entremêlent, le marché des métaux précieux s’impose comme le miroir fidèle de nos incertitudes — et le dernier bastion de la confiance.
L.R.
