Si la mémoire était un fleuve, Constantine en serait le pont !
« On avance ». Ainsi réagissait une source au fait du dossier au sujet de la réunion de la commission des historiens algéro-français prévue aujourd’hui à Constantine. A priori, c’est laconique mais si on creuse un peu, on oserait dire que la commission des experts dédiée à la mémoire a fait des pas non négligeables tant le travail des membres de la commission mixte a étébousculépar des contingences alambiquées.
C’est le troisième round-up après deux premiers rendez-vous, l’un distanciel, en visioconférence et l’autre en présentiel, à Paris. Et force est de constater, que le choix de Constantine découle visiblement d’une volonté de donner de la profondeur à ce travail de mémoire ; la ville des ponts étant, il est vrai, un trésor intarissable en matière de mémoire collective. A vrai dire, si la mémoire était un fleuve, Constantine en serait le pont !
D’autre part, il faut peut-être explorer aussi du côté des membres de cette commission pour expliquer le choix de la piste constantinoise, car n’oublions pas qu’aussi bien du côté français que du côté algérien, il y a des enfants de l’antique Cirta.
Bref, aujourd’hui à l’hôtel Novotel au centre-ville de Constantine, les dix membres de cette instance paritaire, cinq de chaque camp, vont déblayer davantage le terrain à l’effetde plancher sur les thèmes de la colonisation et de la guerre d’Algérie.
Politique d’apaisement
La commission mixte rassemble cinq historiens français : Benjamin Stora, également coprésident de la commission ; Florence Hudowitz, conservatrice au MuCEM ; le professeur des universités Jacques Frémeaux ainsi que les historiens et enseignants universitaires Jean-Jacques Jordi et TramorQuemeneur.
Côté algérien, l’instance est coprésidée par l’historien Mohamed Lahcen Zighidi, rejoint depuis novembre 2022 par les historiens Mohamed El-Korso, Idir Hachi, Abdelaziz Fillali et Djamel Yahiaoui pour faire partie de cette commission.
Sa mise en place se veut être un signal d’apaisement voulue par Emmanuel Macron durant son premier quinquennat, après les recommandations du rapport de Benjamin Stora sur le conflit mémoriel entre l’Algérie et la France sur le passé colonial.
Auteur du rapport sur la colonisation française et la guerre d’Algérie remis à Emmanuel Macron en janvier 2021, Benjamin Stora propose comme premier axe de travail la période qui s’étale du début de la colonisation, en 1830, jusqu’à 1880, ce qui coïncide avec la fin des premières grandes invasions de l’Algérie.
Bref, l’historien Stora ambitionnait d’amener les deux parties de « regarder cette période historique » du début de la colonisation française (1830) jusqu’à la fin de la guerre d’indépendance (1962).
Faut-il pour cela arriver à décrire sans tabous la colonisation dans toute son horreur, la spoliation des terres, les révoltes et leurs répressions sanglantes, les massacres, la torture, les disparitions forcées.
C’est ça la mémoire. Toute la mémoire !
Samir BOUZIDI