Anti-balle ‘’démonte’’ le Ferrailleur

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Dans le quartier populaire d’El Hattabia, perdu aux fins fonds de la cité Ameziane, juché derrière le cimetière central de Constantine, c’était la stupeur ! Nous sommes jeudi 1er avril et la coqueluche des riverains, le ‘’Ferrailleur’’ a été littéralement démonté en pièces. Une humiliation à domicile signée… ‘’Anti-balle’’ !

Plus de 1000 personnes ont assisté à cette empoignade acharnée entre deux moutons racés coachés par des férus de la béliomachie, un sport de combat de béliers, un rite séculaire que l’on dit berbère et qui semble s’enraciner davantage dans les contrés constantinoises. Bienvenue dans la champion’sleague des moutons, un monde à part, dans l’autre Constantine qui s’organise, définit ses règles, s’amuse, le tout dans une ambiance bon enfant digne d’un match de l’Équipe nationale.

Mohamed Temouzi, est un jeune heureux. Son équipe qui a formé le champion Anti-balle vient de remporter le championnat de la wilaya de Constantine. Il pose fièrement avec la coupe remise par les organisateurs. Il décrit avec fierté les minutes du combat de l’année en mettant en avant la combativité de l’artiste.

« Anti-balle et le Ferrailleur se sont faits face un bon moment, se sont regardés fixement avant l’affrontement. Nous sommes restés proches chacun de sa bête tout au long du combat en leur prodiguant des conseils, et en les motivant afin de les inciter à bien se lancer dans la bataille », a-t-il relaté.

En principe, les deux adversaires se chargent afin de s’infliger le plus de dégâts possibles, mais le combat a pris fin lorsque le Ferrailleur a détourné la tête, fuyant face à une charge d’Anti-balle, déclarant ainsi forfait.

Cela dit, malgré la violence des combats, les décès sont généralement assez rares, le but étant de conserver le mouton en vie, le bichonner, le remettre sur selle pour croiser d’autres cornes et dans un cas extrême, le déclarer hors circuit et bon pour le sacrifice.

Devant une assistance plutôt juvénile, désabusée et médusée, rassemblée dans un terrain vague d’El Hattabia, Anti-balle vient de mettre fin à la carrière du Ferrailleur…envoyé précipitamment à la ferraille ! Quant au conquérant, il a été bruyamment salué par ses nombreux supporteurs de la cité Boussouf qui se sont bousculés pour arracher une photo avec Anti-balle ‘’flanqué’’ de la coupe.

Force est de constater que cette belle bête a un pedigree à en faire pâlir ses adversaires : soigneusement teintée de henné, une taille élancée, une allure mâle et fière, des cornes longues et volumineuses, des narines dilatées, des yeux étincelants et des pattes robustes et musclées.

« Avec une telle carte de visite en sus d’un trophée arraché au bout d’une longue série de combats triomphants, à Boumerzoug et à El M’ridj, Anti-balle suscitait l’admiration et les convoitises et c’est ainsi que des émissaires algérois venus à Constantine dénicher les ‘’perles’’ se sont entichés de la bête qui leur a été cédée à 46 millions de centimes s’il vous plait ! ‘’, affirme Mohamed.

Elevé comme un athlète de haut niveau, gavé d’orge, de blé, de maïs et de lentilles, bref un régime alimentaire spécial, suivi par un médecin vétérinaire et courant généralement deux à trois kilomètres par jour, le champion Anti-balle aura constitué, tout compte fait, une bonne affaire pour son propriétaire qui a empoché un bénéfice d’au moins 15 millions de centimes si l’on déduit le prix initial de son achat (entre 15 et 20 millions) et le budget alloué pour son alimentation (10 millions environ).

300 Vs Vampire

Désormais algérois, Anti-balle croisera d’autres champions à l’instar de Casa, Puissance et surtout 300 le tueur des tueurs. Une bête imbattable qui, dit-on, a été retenue pour défendre les couleurs nationales face au champion tunisien Vampire. Rendez-vous est donné après l’Aïd El Fitr. Un combat de titans qui restera tributaire de l’ouverture des frontières fermées pour cause de pandémie de coronavirus.   

En attendant, Mohamed et ses amis vont préparer un autre ‘’athlète d’élite’’ et lancer le défi aux autres compétiteurs. ‘’ El hadrafelBatha’’est ainsi le code des amoureux de cette pratique, autrement dit, pour relever le défi venez dans l’arène.  Mais ne craignez-vous pas que tout votre investissement ne s’écroule brutalement en cas de graves blessures de votre mouton ? Serein, Mohamed soutient que les affrontements sont rarement mortels.

Contrairement aux chiens et aux coqs, les béliers ne combattent pas jusqu’à la mort. Et d’ajouter : ‘’le duel est arrêté lorsqu’il y a soumission ou qu’un des deux combattants sort de la zone de combat. Les matches durent entre 5 et 10 minutes et sont observés par un panel de juges assis et un arbitre dont la principale mission est de séparer les deux bêtes lorsque leurs cornes sont enchevêtrées dans la laine de l’adversaire.

Il a tenu, par ailleurs, à préciser que l’objectif principal de cette discipline, qui figure parmi les principales distractions du pays, est la préservation d’une tradition ancestrale qui se transmet dans certaines familles de père en fils.

En tout état de cause, il serait opportun de structurer cette pratique en lui donnant un cadre légal. Bien pris en main, ce sport de combat pourrait être pour l’élevage ovin dans le pays ce que le sport hippique est à l’élevage équin.

En Algérie, le cheptel ovin est le premier fournisseur de viande rouge. Le cheptel national est constitué de races autochtones ayant en commun la qualité essentielle d’une excellente résistance et adaptation aux difficiles conditions de milieu de la steppe.

De par les effectifs, on distingue deux grandes catégories de races : les races dites principales regroupant la race Arabe Blanche (dite Ouled Djellal), la race Hamra ou Béni-Ighil et la race Rembi.

Les races dites secondaires à effectifs réduits regroupent, quant à elles, la race Berbère à laine Zoulai, la race Barbarine de Oued Souf, la race D’mène et la race Targuia-Sidaou.

Samir BOUZIDI

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