Dans le nord de l’Angleterre, une découverte archéologique hors du commun suscite l’étonnement de la communauté scientifique. Près du célèbre mur d’Hadrien, sur le site du Fort Magna, des fouilles ont mis au jour plusieurs chaussures romaines en cuir, remarquablement bien conservées malgré leur ancienneté… et surtout, d’une taille inhabituelle : l’équivalent d’un 49 européen.
Ces sandales antiques, âgées d’environ 2000 ans, ne sont plus entières — il ne reste souvent que la semelle — mais leur taille dépasse de loin la moyenne des chaussures retrouvées jusqu’à présent sur des sites romains similaires. Ce qui frappe les archéologues, ce n’est pas seulement l’existence de ces modèles géants, mais leur fréquence : près de 25 % des chaussures découvertes sur le site sont de très grande taille, contre seulement 0,4 % sur d’autres fouilles de l’époque romaine, notamment à Vindolanda, un site voisin également situé le long du mur d’Hadrien.
Un mystère venu des profondeurs du sol
Ce rare état de conservation s’explique par la composition particulière du sol de Magna, pauvre en oxygène, qui permet aux matériaux organiques tels que le cuir, le bois ou les textiles de survivre pendant des siècles. Les chaussures ont été extraites d’un ancien fossé servant autrefois de décharge pour les habitants et les soldats du fort.
« Ce qui rend cette découverte exceptionnelle, c’est le nombre anormalement élevé de chaussures de grande taille », explique Rachel Frame, archéologue principale du projet mené par le Vindolanda Trust. « Cela nous amène à nous interroger : qui étaient ces hommes qui portaient ces chaussures ? Et pourquoi étaient-ils si nombreux ici ? »
Des indices pointent vers des soldats venus d’ailleurs
Plusieurs hypothèses sont actuellement à l’étude. On sait, par exemple, que des archers syriens ont été envoyés dans cette région de l’Empire romain, et leur présence a déjà été documentée près du mur d’Hadrien. D’autres indices suggèrent également la venue de régiments originaires des Balkans, notamment de Croatie. Ces troupes pourraient avoir été composées d’hommes de grande stature, expliquant la présence de chaussures aussi vastes. « Lorsqu’on parle des Romains, on pense souvent aux citoyens de Rome ou d’Italie », ajoute Rachel Frame. « Mais l’Empire était vaste, composé de peuples très différents. Ce que nous découvrons ici nous rappelle à quel point cette diversité était réelle, tangible — jusque dans les objets les plus quotidiens, comme une paire de chaussures. »
Une enquête encore en cours
Les archéologues poursuivent actuellement leurs analyses, notamment des datations précises au carbone 14, qui devraient permettre de mieux situer dans le temps ces objets énigmatiques. Ces résultats sont attendus d’ici la fin de l’année et pourraient éclairer non seulement l’origine de ces chaussures hors norme, mais aussi les mouvements de troupes et la composition sociale du fort à l’époque romaine.
En attendant, cette découverte fascinante met en lumière un pan méconnu de l’histoire impériale romaine : celui des soldats venus de contrées lointaines, dont la présence reste aujourd’hui visible dans l’empreinte laissée… par leurs pas.



