Alors que les températures atteignent des niveaux records cet été 2025, l’Algérie se mobilise massivement pour faire face à une menace devenue récurrente et de plus en plus dévastatrice : les incendies de forêts. La multiplication de ces catastrophes naturelles, conséquence directe du dérèglement climatique, n’épargne plus aucune région du globe, y compris celles historiquement moins exposées comme le Canada. Face à cette réalité, l’Algérie déploie une stratégie multisectorielle ambitieuse, alliant moyens humains, logistiques et technologiques, avec un accent fort sur la prévention, la vigilance communautaire et l’innovation numérique.
Une mobilisation nationale pour protéger le patrimoine forestier
L’Algérie, qui possède plus de 4 millions d’hectares de forêts, considère ce patrimoine naturel comme un enjeu écologique et économique de premier plan. Pour faire face aux feux de forêts qui menacent ces écosystèmes essentiels, le ministère de l’Intérieur a annoncé une mobilisation exceptionnelle de 20 000 agents de la Protection civile, répartis dans les zones les plus à risque à travers le territoire national.
Aux côtés de ces effectifs humains, un arsenal logistique sans précédent a été mis en place 55 aéronefs opérationnels (avions, hélicoptères bombardiers d’eau), l’affrètement de 12 avions supplémentaires pour renforcer la couverture aérienne, des drones de surveillance thermique pour repérer les foyers à distance, et les équipements spécialisés de lutte anti-incendie, incluant des camions-citernes tout-terrain et des unités mobiles de commandement.
Prévention, surveillance et réglementation : vers une stratégie intégrée
Le ministre de l’Intérieur, Brahim Merad, en déplacement à Tlemcen, a souligné l’importance cruciale de la prévention et de l’anticipation dans la lutte contre les incendies. Plusieurs mesures structurelles ont été entreprises à travers la création de pare-feux et de zones d’atterrissage pour les hélicoptères et avions dans les zones forestières, la mise en place de points d’eau stratégiques pour le ravitaillement rapide des moyens aériens, le débroussaillage systématique des herbes sèches autour des zones boisées, et l’encadrement strict des activités de camping et de loisirs en forêt, avec des patrouilles mixtes (gendarmerie, forestiers, Protection civile) chargées du contrôle et de la sensibilisation des vacanciers.
Des campagnes nationales de sensibilisation ont également été lancées, en partenariat avec les collectivités locales, les scouts musulmans algériens, les écoles et les médias publics. L’objectif est clair : impliquer les citoyens dans la préservation des forêts, en leur rappelant les risques et les gestes à adopter.
Un contexte mondial sous haute tension climatique
L’Algérie n’est pas seule à faire face à la montée en puissance des incendies de forêts. Le changement climatique, en altérant les régimes de précipitations et en amplifiant les épisodes de sécheresse, favorise l’apparition de feux incontrôlés dans des régions jadis épargnées.
En 2023 et 2024, le Canada a connu des feux records, dévastant plus de 17 millions d’hectares, soit environ 3 fois la surface forestière totale de l’Algérie. Les feux ont touché des provinces comme la Colombie-Britannique, le Québec ou encore l’Alberta, démontrant que même les zones tempérées ne sont plus à l’abri.
Les études du GIEC prévoient d’ailleurs une augmentation de 30 à 50 % des feux de forêts extrêmes d’ici 2050, avec des impacts majeurs sur la biodiversité, la qualité de l’air et la sécurité des populations.
L’innovation au service de la lutte anti-incendie : IA, drones et détection précoce
Pour répondre à ces défis croissants, l’Algérie commence à intégrer des technologies de pointe dans son dispositif de lutte, à savoir des drones autonomes équipés de capteurs thermiques pour surveiller les zones boisées 24h/24, des systèmes d’intelligence artificielle (IA) capables d’analyser en temps réel les données météorologiques, la végétation et les images satellites pour prédire les zones à haut risque, des logiciels de simulation de propagation des feux, utilisés par les cellules de crise pour planifier les interventions, ainsi que le développement en cours de réseaux d’alerte précoce basés sur l’Internet des objets (IoT), permettant de détecter une élévation anormale de la température ou la présence de fumée à proximité des habitations.
Ces outils sont déjà utilisés dans plusieurs pays, comme l’Espagne ou l’Australie, et leur transfert technologique vers l’Algérie est en cours via des partenariats internationaux, notamment avec l’ONU, l’Union africaine et des acteurs européens.
Une mobilisation durable à inscrire dans le temps
Si la lutte contre les incendies demande des moyens immédiats, elle appelle surtout une vision à long terme, intégrant la gestion durable des forêts, l’adaptation au climat, la formation continue des équipes de terrain et l’éducation environnementale des jeunes générations. L’Algérie, durement touchée par les incendies en 2021, semble avoir tiré les leçons de cette tragédie en mettant désormais l’accent sur la résilience territoriale.
La réussite de cette mobilisation dépendra in fine de l’engagement collectif : celui des institutions, des collectivités locales, des citoyens et de la communauté scientifique. Protéger les forêts, c’est protéger la vie.
L.R.
