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samedi 6 décembre 2025

Un Plan national 2030 pour enrayer la recrudescence de la rage

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En Algérie, la rage frappe aujourd’hui d’abord les plus jeunes. Les enfants de moins de 15 ans — souvent inconscients du danger — constituent la première victime de cette maladie évitable : ils représentent 44 % des cas recensés en 2024. Pendant que les cours de récréation et les ruelles résonnent encore des jeux d’enfants, une menace silencieuse progresse dans l’ombre des chiens errants et des poubelles mal gérées. Le constat livré par le Pr Samia Hammadi, directrice de la prévention et de la lutte contre les maladies transmissibles au ministère de la Santé, est sans appel : 213 000 morsures animales potentiellement rabiques ont été déclarées en 2024, soit +17 % par rapport à 2023 (182 000 cas), et 9 décès humains directement attribués à la rage.

Une urgence pédiatrique

La première lecture des chiffres impose un impératif : protéger les enfants. « À cet âge, ils ne sont pas conscients du risque », explique le Pr Hammadi. Les morsures surviennent souvent dans des contextes banals — approcher un chien qui dort, tenter de caresser un chat sauvage, ramasser un chiot abandonné — mais les conséquences peuvent être fatales si la prise en charge est retardée. La rage, avertit la spécialiste, est « mortelle à 100 % » lorsqu’elle n’est pas traitée à temps.

Immédiatement après une exposition (morsure, griffure, léchage d’une plaie), la procédure est simple et non négociable : laver la blessure au moins 15 minutes à l’eau et au savon, puis consulter un professionnel de santé. Une fois l’exposition confirmée, la prise en charge post-exposition comprend une vaccination avec un schéma suivie de 5 doses, selon le protocole rappelé par le Pr Hammadi.

Une hausse préoccupante des morsures animales

La tendance est claire : la fréquence des morsures animales potentiellement rabiques augmente. Une hausse de 17 % en un an n’est pas un épisode isolé mais le signe d’un phénomène systémique — multiplication des animaux errants, attractivité des déchets, et faiblesse des mesures de prévention au niveau local. Le principal vecteur demeure le chien, mais le chat n’est pas à négliger : la spécialiste attire l’attention sur son rôle dans la transmission.

Pourquoi cette tendance haussière

Derrière ces chiffres se dessine un problème structurel mêlant santé, propreté urbaine et gouvernance. Le Pr Hammadi pointe un déficit d’intersectorialité dans la mise en œuvre des actions : si une instruction interministérielle existe entre Santé, Intérieur et Agriculture, sa mise en œuvre et son renforcement restent insuffisants. La gestion des déchets — souvent jetés en dehors des horaires réglementaires — crée des points d’attraction pour les chiens errants, multipliant les interactions à risque entre animaux et humains.

La riposte réclame une coordination rigoureuse : campagnes de vaccination animales, contrôle des populations errantes, assainissement des quartiers, mais aussi communication ciblée vers les familles, en particulier celles avec de jeunes enfants.

Le Plan national 2030 : une feuille de route ambitieuse — à condition d’agir vite

Face à la menace, l’Algérie a adopté une ambition claire : éradiquer la rage d’ici 2030, en phase avec les Objectifs de développement durable. Le Plan national de lutte contre la rage, élaboré avec l’OMS et le comité national de lutte contre les zoonoses, s’articule autour de plusieurs axes concrets :

  • Vaccination des animaux : réduire la circulation virale via des campagnes ciblées ;
  • Éducation et sensibilisation : informer les populations — en mettant un accent particulier sur la prévention chez les enfants — et promouvoir des comportements sûrs en présence d’animaux ;
  • Formation des professionnels de santé : garantir une prise en charge post-exposition rapide et conforme ;
  • Communication ciblée : messages clairs sur les gestes d’urgence (lavage, consultation) et sur la nécessaire vaccination animale ;
  • Amélioration du diagnostic : renforcer les capacités de détection et de surveillance.

La stratégie se place explicitement dans une approche « One Health », qui considère la santé humaine, animale et environnementale comme interdépendantes. Mais la promesse 2030 ne vaudra que par la mise en œuvre opérationnelle : budgets, logistique des campagnes de vaccination, gestion des populations animales et application des directives interministérielles.

Que peuvent faire les familles et les collectivités ?

La prévention reste la clef. Quelques mesures pratiques à rappeler sans relâche, à savoir surveiller et encadrer les enfants dans leurs interactions avec les animaux ; ne pas approcher un animal errant ou blessé ; nettoyer et désinfecter immédiatement en cas de morsure, puis consulter le centre de santé le plus proche ; vacciner les animaux domestiques et signaler les animaux errants aux autorités locales ; et Améliorer la salubrité : respect des horaires de collecte des ordures pour réduire l’attrait des chiens.

Recherche, gouvernance et solidarité : les maillons manquants

Le Pr Hammadi insiste sur l’importance d’une gouvernance active et d’un suivi terrain constant. Elle appelle aussi à encourager la recherche opérationnelle pour adapter les interventions aux réalités locales et évaluer leur efficacité. Enfin, la mobilisation des médias et de la société civile est indispensable pour transformer la vigilance en gestes quotidiens.

Une maladie évitable, une fenêtre d’action encore ouverte

La rage demeure l’une des maladies humaines les plus redoutables — mais aussi les plus évitables. Les chiffres récents — 213 000 morsures, +17 % en un an, 44 % des victimes ayant moins de 15 ans, 9 décès en 2024 — dessinent un diagnostic alarmant et clair : sans action rapide et coordonnée, ce sont encore les enfants qui paieront le plus lourd tribut. Le plan 2030 offre une feuille de route ; il appartient désormais aux autorités locales, aux professionnels de santé et aux familles de transformer cette ambition en réalité. Dans l’immédiat, chaque geste compte : éduquer, vacciner, laver, signaler — pour que la promesse du slogan national, « Ensemble pour éliminer la rage », devienne autre chose qu’un appel.

L.R.

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