Face à une population appelée à atteindre les 65 millions d’habitants dans les prochaines années, l’Algérie place la sécurité alimentaire au cœur de sa stratégie nationale. C’est ce qu’a affirmé, lundi, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Yacine Oualid, lors de l’ouverture de la Conférence nationale sur la modernisation du secteur agricole, tenue au Palais des congrès à Alger.
« Notre ambition est de bâtir une Algérie capable de nourrir 65 millions d’habitants et de devenir un leader régional dans le domaine des cultures sahariennes et des technologies hydriques », a déclaré le ministre, soulignant que la modernisation agricole constitue désormais une priorité stratégique du gouvernement.
Un secteur encore en deçà de son potentiel
Le constat du ministre est clair : l’agriculture algérienne dispose d’un immense potentiel, mais elle souffre d’un déficit criant de modernisation. Sur les 2,38 millions de kilomètres carrés du territoire national, seulement 8,5 millions d’hectares sont effectivement exploités — soit à peine 3,6 % de la superficie totale.
Les rendements, eux, restent modestes. La céréaliculture algérienne plafonne à 18 quintaux à l’hectare, alors que des pays aux conditions climatiques similaires atteignent 35 quintaux. La production laitière, estimée à 3.000 litres par vache et par an, reste également inférieure de moitié à la moyenne mondiale. Ces chiffres traduisent l’urgence d’une transformation structurelle.
Une « révolution agraire » version 2.0
Yacine Oualid parle sans détour d’une « véritable révolution agraire », non pas dans le sens des réformes foncières des années 1970, mais dans celui d’une mutation technologique et organisationnelle du secteur.
La clé ? L’introduction massive du numérique, de l’innovation et de la recherche scientifique.
Le ministre a d’ailleurs annoncé la création du Conseil scientifique de la sécurité alimentaire, une nouvelle instance consultative composée d’une vingtaine d’experts issus du monde académique et scientifique. Ce conseil travaillera de concert avec le ministère de l’Enseignement supérieur, représenté par Kamel Baddari, afin d’ancrer la recherche et les start-up au cœur de la production agricole.
Des chiffres encourageants mais insuffisants
Malgré un volume de production évalué à 35 milliards de dollars, une contribution de 14 % au PIB et 2,6 millions d’emplois générés, les performances globales demeurent en deçà des capacités du pays.
Le taux de recours à l’irrigation moderne reste limité à 15 %, freinant la productivité, tandis que les pertes post-récolte persistent faute d’une chaîne de froid efficace.
Huit ateliers pour tracer la feuille de route
La conférence, organisée sur deux jours, réunit près d’un millier d’experts, chercheurs, agronomes et représentants d’institutions économiques. Huit ateliers thématiques y sont consacrés à la gestion du foncier agricole, la numérisation du secteur, la rationalisation des ressources en eau, l’amélioration des rendements dans les filières stratégiques, la gouvernance et la transparence administrative, la création d’un système informatique agricole intégré, la promotion de l’assurance agricole, et la mobilisation des compétences nationales.
Une stratégie tournée vers l’avenir
La nouvelle approche, portée par un ministre issu du monde de la technologie — ancien responsable du secteur de l’économie de la connaissance et des start-up (2020-2024) —, mise sur la synergie entre agriculture, science et innovation.
Elle entend mobiliser les universités, les centres de recherche et les start-up autour d’un objectif commun : faire de l’Algérie une nation autosuffisante et durablement souveraine sur le plan alimentaire.
Plus d’un demi-siècle après la première réforme agraire de 1971, l’Algérie semble prête à engager une deuxième révolution agricole, celle de l’intelligence, de la donnée et de la durabilité.
L.R.



