7.7 C
Constantine
vendredi 5 décembre 2025

4,7 millions d’Algériens face à l’explosion silencieuse du diabète

Must read

Plus de 537 millions de personnes dans le monde vivent aujourd’hui avec le diabète, selon les estimations évoquées par le Pr Samia Zekri, experte en diabétologie et formatrice en éducation thérapeutique du patient. D’ici à 2045, ce nombre pourrait atteindre 783 millions. L’Algérie, loin d’être épargnée, affiche une progression qui inquiète les spécialistes : la prévalence nationale, qui s’élevait déjà à 14,4 % en 2016, a bondi à 17,5 % seulement deux ans plus tard, selon la Fédération internationale du diabète (FID). Cela représente environ 4,7 millions d’Algériens atteints d’une maladie chronique qui bouleverse le visage sanitaire du pays.

Ce constat, livré ce mercredi par le Pr Zekri sur les ondes de la Radio algérienne (Chaîne 3), à l’occasion de la Journée mondiale du diabète du 14 novembre, dresse un portrait sans fard d’une pathologie en pleine explosion. « L’Algérie suit la tendance mondiale », affirme-t-elle, rappelant que l’augmentation du diabète n’est pas seulement une question médicale, mais aussi sociale et économique.

Au cœur du problème se trouve le diabète de type 2, forme la plus répandue et la plus étroitement liée à l’obésité. Cette dernière, en particulier l’obésité abdominale — dite androïde —, est décrite par la professeure comme un « indicateur d’insulino-résistance ». « Quand le ventre pointe, la graisse a déjà entouré les viscères, y compris le foie », explique-t-elle, évoquant un mécanisme où l’organisme produit de l’insuline, mais où celle-ci devient inefficace. C’est le prélude à la maladie.

Le phénomène est d’autant plus préoccupant qu’il touche désormais toutes les générations. L’alerte la plus grave vient des enfants : selon une étude de l’Institut national de santé publique (INSP) publiée en janvier 2025, 13,4 % des enfants algériens âgés de 5 à 11 ans souffrent déjà d’obésité. « Si les parents n’agissent pas, ces enfants risquent fort de devenir diabétiques à l’âge adulte », avertit le Pr Zekri. Cette génération menacée symbolise le glissement d’une société entière vers la sédentarité et la malbouffe.

Pour la spécialiste, l’une des clés réside dans le retour à une alimentation équilibrée et dans le rejet du « modèle alimentaire industriel » qui a envahi les foyers. Elle plaide pour le régime méditerranéen, « anti-inflammatoire, riche en légumes, fruits, huile d’olive et produits du terroir », et dénonce sans détour les excès de la restauration rapide : « Le hamburger, que nous avons tous adopté, a fait énormément de mal, surtout à nos enfants. »

Les boissons paraissent toujours aussi sucrées

Mais le problème dépasse les cuisines familiales. Les industries agroalimentaires et les pouvoirs publics portent une part de responsabilité dans la dérive nutritionnelle. Le ministère de la Santé a, selon la professeure, mis en place un comité multisectoriel nommé par décret présidentiel afin de réduire la quantité de sucre dans les produits de grande consommation. Historiquement, au lendemain de l’indépendance, l’Algérie avait relevé les taux de sucre pour lutter contre la malnutrition : jusqu’à 160 grammes par kilo ou par litre. Cette teneur a été abaissée à 110 grammes, mais, sur le terrain, « les boissons paraissent toujours aussi sucrées ».

La résistance des industriels à réduire davantage la teneur en sucre s’explique par la crainte d’une baisse des ventes. Certains ont compensé la diminution du sucre par l’ajout d’édulcorants, présentés comme des alternatives, mais dont la professeure souligne les dangers : « Aujourd’hui, on sait qu’ils peuvent être cancérigènes et qu’ils entretiennent une dépendance au goût sucré. »

Pour Zekri, la lutte ne peut se limiter au sucre : « Il ne faut pas faire la chasse qu’à un seul ennemi. Il y a trois blancs à surveiller : le sucre, le sel et la graisse. » C’est cette triade, consommée en excès, qui alimente le surpoids et la cascade métabolique menant au diabète.

Les conséquences de la maladie, elles, sont lourdes et souvent irréversibles. Le diabète est aujourd’hui la première cause mondiale de cécité, la première cause d’amputation non traumatique et la première cause de recours à la dialyse. Ces chiffres ne traduisent pas seulement la gravité de la maladie, mais aussi le coût social et économique d’une prise en charge tardive.

La dimension collective de la réponse

Face à cet engrenage, la prévention reste la meilleure arme. Dépistage systématique, éducation alimentaire, réduction des sucres rapides, activité physique quotidienne : autant de mesures simples mais fondamentales. Le Pr Zekri insiste sur la dimension collective de la réponse : « Nous devons nous unir, le monde médical, les psychologues, les paramédicaux et les citoyens. Seule une mobilisation nationale peut inverser la courbe. »

L’Algérie n’est donc pas condamnée à subir cette épidémie silencieuse. L’unité, symbolisée par « l’insigne de la lutte contre le diabète » que la professeure arbore fièrement, doit devenir l’étendard d’un combat collectif. Derrière les chiffres — 17,5 %, 4,7 millions de malades, 13,4 % d’enfants obèses — se joue une question de santé publique, mais aussi d’avenir national. Car si les statistiques effraient, elles peuvent aussi servir d’électrochoc. À condition d’agir maintenant.

L.R.

- Advertisement -spot_img

More articles

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

- Advertisement -spot_img

Latest article