L’Algérie consolide son influence stratégique en Afrique avec l’adoption formelle du Processus d’Oran par les instances de l’Union africaine (UA). À l’occasion de la 12? session ministérielle de ce mécanisme de haut niveau pour la paix et la sécurité, organisée ce dimanche à Alger, le professeur Mohamed Amroune, membre de la Commission des affaires étrangères du Conseil de la Nation et membre du Parlement panafricain, a souligné la portée géopolitique majeure de cette consécration africaine.
Un instrument né en Algérie devenu plateforme continentale
Créé en 2013 à l’initiative de l’Algérie, le Processus d’Oran a évolué en trois étapes successives, à savoir d’un simple rendez-vous annuel, à une plateforme permanente de dialogue africain, et avant de devenir, en 2021, une institution à part entière intégrée aux outils de gouvernance de l’Union africaine pour la prévention des conflits et la gestion des crises.
Selon le Pr Amroune, cette reconnaissance est le résultat d’une décennie de constance, de rigueur et de crédibilité diplomatique. L’Algérie, affirme-t-il, a gagné la confiance des capitales africaines en parvenant à pérenniser le mécanisme et à en faire un espace stratégique de concertation.
Unifier la voix africaine au Conseil de sécurité
En tant que membre du Conseil de sécurité de l’ONU au titre du continent africain et membre du groupe A3, l’Algérie joue un rôle important dans la coordination des positions africaines.
Le Processus d’Oran constitue, à ce titre, un levier essentiel pour harmoniser les prises de position au sein du Conseil de sécurité, dans un contexte mondial dominé par les cinq membres permanents.
« La mise en place d’un véritable bloc africain au sein du Conseil de sécurité permet aujourd’hui au continent de défendre ses intérêts, même de manière limitée, et de se faire entendre dans l’enceinte onusienne », explique Amroune.
Une Afrique fragilisée par les crises politiques et sécuritaires
Le Pr Amroune dresse cependant un constat préoccupant : la situation générale en Afrique demeure instable, marquée par la multiplication des coups d’État, qui ont touché huit pays, la délégitimation croissante des processus électoraux, perçus dans certains États comme un facteur de tensions plutôt qu’un symbole démocratique, la persistance de crises politiques, comme l’a illustré récemment le cas de Guinée-Bissau, et la compétition accrue entre grandes puissances pour l’accès aux ressources et aux zones d’influence africaines.
Après s’être affranchie du colonialisme — à l’exception du dossier toujours ouvert du Sahara occidental —, la région se retrouve face à une nouvelle bataille : celle de ne pas devenir un terrain de rivalités internationales incontrôlées. « La question est de savoir si les Africains pourront transformer ces rivalités en opportunité de développement durable », s’interroge-t-il.
L’Algérie, “locomotive et espoir” de la construction africaine
Pour Amroune, l’Algérie est depuis longtemps l’un des piliers du consensus africain. Son engagement, constant depuis l’indépendance, en fait un acteur incontournable des dynamiques régionales.
Grâce à des initiatives clés — telles que le Processus d’Oran, le NEPAD, l’Agenda 2063 ou encore la stratégie “Faire taire les armes” — l’Algérie s’affirme comme un pays capable de fédérer et d’impulser des solutions africaines à des problèmes africains.
Fidèle à son principe de refus des ingérences étrangères, elle milite pour le renforcement des capacités internes de médiation et pour une mise en œuvre plus rigoureuse des décisions adoptées par les organes continentaux.
Réformer l’Union africaine : le défi de l’efficacité
Selon Amroune, le véritable problème de l’Afrique n’est ni l’absence d’idées ni le manque d’institutions. C’est « le déficit d’exécution » qui freine l’action collective.
Il plaide ainsi pour une révolution dans l’engagement des États membres, le renforcement des mécanismes d’alerte précoce, une lutte plus efficace contre le terrorisme et l’extrémisme, et une meilleure priorisation des enjeux de financement et de développement.
S.B.



