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mardi 28 octobre 2025

Le pharmacien de mon village : Le visage du remède, le cœur du village

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Par Samir BOUZIDI

Quand le destin est là, frappe à ta porte, ne te laisse pas de choix encore moins du temps, quand une autre lumière s’illumine et cimente un destin royal, le cœur, lui, balance. Il oscille entre hier et aujourd’hui, entre souvenirs et projets. 

Le départ n’est jamais anodin. Il porte en lui un goût de déracinement, un tiraillement inextinguible, une forme de déchirure douce, mais le départ c’est aussi, un renouveau, la découverte d’autres horizons et un monde plein de promesses.

Bref, entre sa ville natale et sa ville adoptive, le cœur tangue, se fera une raison et s’apaisera avec le temps surtout quand l’amour, la bonté, le sens de la famille et la chaleur du monde nouveau redessinent la joie et les sourires d’antan. Dès lors, le dépaysement devient une source d’enrichissement, d’épanouissement et d’enjouement sincère. Une passerelle, entre le passé et le futur est vite installée !

S’attacher sans renier, aimer sans oublier. Voilà bien, une devise précieuse à laquelle les femmes et les hommes authentiques s’agrippent passionnément et jalousement. 

Mohand Lahlou en est la parfaite illustration. C’est un kabyle sculpté par la fierté, qui a quitté sa belle région montagnarde et révolutionnaire, la légendaire localité d’Ifri Ouzellaguen, à 50 km de Bejaia, pour atterrir dans la commune de Sedrata, située à quelques encablures de Souk Ahras.

Muté dans cette ville durant la période coloniale en qualité d’interprète judiciaire, Mohand posa ses valises. Il esquissa une histoire sedratienne que ses enfants et petits-enfants enrichiront joyeusement. De toute cette grande famille de l’interprète judiciaire Lahlou, nous évoquerons la vie d’un de ses descendants, le pharmacien Abdelmadjid dit Hamid, relatée affectueusement et fièrement par son fils Yacine, médecin et écrivain de talent.

A la mémoire de nom grand-père, de mon père, sans oublier « mama Z’hor », une femme à poigne ; c’est la belle histoire d’une famille kabyle sedratienne compilée dans un livre de 309 pages par Dr. Yacine Lahlou.

Ifri Ouzellaguen, la source …

Nous sommes en 1880. Le grand père Mohand Lahlou voit le jour à Ifri Ouzellaguen. Site emblématique, terre héroïque, sanctuaire de la résistance, cette dechra juchée sur de majestueuses montagnes a abrité la première réunion du Conseil national de la Révolution algérienne ( CNRA), en août 1956, connue sous le nom de congrès de la Soummam.

Tout ce qu’il faut pour façonner, maturer et raffermir le jeune orphelin Mohand qui, malgré la perte de ses parents et aussi de son épouse, se forgea un caractère d’acier et alla à la découverte d’autres terres, à Sedrata plus exactement, où il exerça le métier d’interprète judiciaire. Mohand le grand père, Ma Aadi sa grand-mère et Hamid, son fils, se retrouvèrent dans cette nouvelle région des Chaouias, cette autre contrée amazighe. Entre temps, Mohand se remariera avec une Bentounsi de Ain Beida, descendante de l’Emir Khaled. Celle qui est affectueusement appelée ‘’mamma Zhor’’donnera naissance à six garçons et quatre filles.

Hamid, né le 15 juin 1918, se retrouva ainsi au centre d’une grande famille. Après une première scolarité à Sédrata, le voilà au lycée Saint Augustin de Annaba pour parachever son cursus scolaire. Dans les années 1940, Hamid, le baccalauréat en poche, ‘’monta’’ sur Alger pour s’inscrire à la faculté d’Alger. Bien évidemment, un indigène, brillant soit-il, est sujet à toutes sortes de brimades, de refoulements et de jalousie. Blindé de l’âme, avec le sang qui bout mais les pieds bien plantés dans la terre, Hamid est inarrêtable !

Sédrata, ‘’ assimat el aouassam’’

En 1948, il s’installa à Sédrata en tant que pharmacien, le premier dans toute la localité s’il vous plait ! Et là, l’auteur de ce magnifique livre profita de cet hommage émouvant à son père pour nous faire une visite guidée de Sédrata, la ville millénaire à travers une histoire chargée ; une ville fière de ses monts, de ses ruines romaines, de ses personnages d’envergure nationales, le colonel Said Abid, du Général-major Abdellah Belhouchet, du colonel Tahar Zbiri, du pionnier de l’information Lamine Bechichi, de l’écrivain Tahar Ouatar et bien entendu le célèbre défenseur de la dream team de 2010, Antar Yahia.

Sédrata, rapporte l’auteur, était surnommée à une certaine époque, sur un ton de la plaisanterie, ‘’ assimat el aouassam’’, autrement dit, ‘’la capitale des capitales’’ !

Force est de constater, que cette ville, wilaya déléguée actuellement, regorge de figures de renom et de richesses incommensurables. Une ville que le pharmacien Hamid arpentait ses ruelles engageant des conversations pleines de bienveillance, offrant de la compassion et le remède aux villageois. Il aimait tant faire des préparations médicinales au rythme des saisons.

Ainsi, en été, il carburait aux anti-diarrhéiques, à l’automne, des fortifiants, en hiver des antitussifs et au printemps, vous avez droit aux fameuses purges.

Il approvisionnait même les fabricants de tabac à priser artisanal (chemma, neffa) en huiles essentielles ; sa pharmacie ne désemplissait pas. Mais si le va-et-vient constant animait l’officine, Hamid ne voyait que rarement la couleur de l’argent, les clients étant souvent de mauvais payeurs. Dans les années 1960-1970, il se retrouva même endetté auprès du fisc. Il lui aura fallu du temps pour éponger une partie de sa dette fiscale.

‘’ Si Lahlou l’aspro’’, l’homme qui apaise et rassure

Durant, des années ‘’ Si Lahlou l’aspro’’, comme l’appelait tendrement une bonne dame à l’esprit tourmenté, apaise et rassure. Il connaissait tout le monde. Leurs habitudes, leurs traitements et aussi leurs soucis.

Au petit soin avec tout le monde, le premier pharmacien du village Sedrata, avait une vie pleine. Une vie pleine dédiée à ses parents, ses enfants, son épouse Djamila, une femme combative et sociable, ‘’ Mimi’’ pour certains, ‘’la rose blanche’’ de Sédrata, comme l’a surnommé tendrement l’auteur de cet ouvrage, ainsi qu’à ses innombrables amis, ses malades et les autres.

Homme de grande culture, passionné de lecture, de musique, de cinéma, et un fin connaisseur de la gastronomie, Hamid le pharmacien aimait par-dessus sa sieste.

Dans la matinée du 17 mai 1983, Il s’éteignit, comme une flamme qu’emporte la brise de la nuit éternelle. Il avait 65 ans.

Bref, Docteur Yacine Lahlou, à qui nous devons ce voyage émouvant, passionnant et historique, à travers des récits d’Ifri Ouzellaguen, là où tout a commencé, de Sédrata, là où tout a été écrit, en passant par Ain Béida, Alger, Constantine, El-Eulma, dessine par le truchement de son livre, la richesse, la profondeur et la passion de la vie de la grande famille des Lahlou.

Le pharmacien de mon village, est tout compte fait un ouvrage foisonnant, dense et captivant qu’il défie toute synthèse.

L’auteur de ce livre, Dr. Yacine Lahlou, est né le 5 septembre 1949 à Souk Ahras. Il réside à Sédrata. Les droits d’auteur de cet ouvrage sont versés à une association caritative.

S.B.

                                                                                Dr. Yacine Lahlou

                                                                               Le pharmacien de mon village

                                                                               309 pages – Edition libre

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