Le décès du moudjahid, réalisateur et producteur algérien Mohamed Lakhdar-Haminareprésente une grande perte pour le cinéma algérien et arabe. Il a été inhumé samedi, après-midi, au cimetière de Sidi Yahia à Alger, dans une atmosphère solennelle et émouvante.
La cérémonie funéraire a vu la présence de nombreuses personnalités officielles, culturelles et artistiques, parmi lesquelles Azouz Nasri, président du Conseil de la Nation, Zouhir Bellou, ministre de la Culture, le grand réalisateur Ahmed Rachedi, et l’artiste et musicien Safy Boutella.
Mohamed Lakhdar-Hamina est décédé vendredi, à l’âge de 95 ans. Il est considéré comme l’un des piliers du cinéma algérien. Son nom reste notamment associé au film « Chronique des années de braise », qui a remporté la Palme d’or au Festival de Cannes en 1975 — une distinction historique pour le cinéma arabe et africain.
Mohammed Lakhdar-Hamina est le seul Africain à avoir remporté une Palme d’or
En 1975, Mohammed Lakhdar-Hamina avait marqué l’histoire du Festival de Cannes en remportant la Palme d’or pour Chronique des années de braise. À ce jour, il s’agit encore de la seule Palme d’Or africaine de l’histoire du Festival. Ce film, célébré à nouveau ce 23 mai 2025 par le cinéma dans le cadre de la projection d’une version restaurée, est une fresque de l’Algérie entre 1930 et 1954 censée donner des clés de compréhension sur les événements qui ont mené à la guerre. En 1975, lors de sa présentation officielle à Cannes, des militants de l’OAS auraient tenté de perturber la fête en lançant de fausses alertes à la bombe. Cela n’avait finalement pas empêché le jury présidé par Jeanne Moreau de reconnaître le génie de Mohammed Lakhdar-Hamina, déjà récompensé du Prix de la première œuvre en 1967 pour Le vent des Aurès.
Le président algérien salue la mémoire de Mohammed Lakhdar-Hamina
Ce vendredi 23 mai, le fils du réalisateur, Malek, qui incarnait un enfant dans Chronique des années de braise, était présent à Cannes pour l’hommage rendu à son père. « À travers ce film, Mohamed Lakhdar-Hamina a tendu la main pour rassembler et non diviser. Il a fait du cinéma une terre d’accueil », a-t-il dit, ému, quelques instants avant l’annonce du décès du cinéaste. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a publié un message de condoléances pour la disparition de « ce géant du cinéma mondial ».
Né à M’sila, Mohamed Lakhdar Hamina manifeste, dès son enfance, un penchant prononcé pour la photo et l’image. Il effectue ses premières classes d’enseignement général en Algérie, les poursuit en France, avant de rejoindre Tunis en 1958. C’est là qu’il suit une formation avant de retrouver ses camarades de combat et de tourner ses premiers films au maquis.
De Prague à l’Office des Actualités
Un an plus tard, il est envoyé par le FLN en Tchécoslovaquie pour suivre des études de cinéma à Prague, où il se spécialise dans la prise de vue. Parallèlement, il retourne régulièrement à Tunis pour tourner, notamment avec Djamel Chanderli (1920-1990), « Yasmina », « La Voix du peuple » et « Les Fusils de la liberté ».
Après l’Indépendance, il rassemble ses anciens collaborateurs de Tunis pour jeter les bases de ce qui deviendra l’« Office des actualités algériennes », dont il est le directeur de 1963 à 1974.
L’éclosion d’un talent
En 1965, il tourne son premier long-métrage, « Le Vent des Aurès », avec la grande Keltoum (Aïcha Adjouri, 1916-2010), époustouflante dans le rôle d’une mère désemparée errant entre les prisons et les camps de concentration de l’armée coloniale française, à la recherche de son fils emmené lors d’une rafle par la police coloniale.
« Le Vent des Aurès » est alors couronné du Prix de la première œuvre au Festival de Cannes en 1967, marquant ainsi l’entrée du cinéma algérien sur la scène internationale.
En 1968, il tourne « Hassen Terro », interprété par le regretté Rouiched (Ahmed Ayad, 1921-1999), un 2e long-métrage qui lui ouvre les portes de la popularité en Algérie. Il récidive en 1972 avec le film «Décembre», qui dénonce l’abjection et la barbarie de la torture pratiquée par l’armée coloniale française.
Le triomphe de « Chronique des années de braise » au Festival de Cannes
En 1974, Mohamed Lakhdar Hamina réalise « Chronique des années de braise », une grande fresque historique en 6 tableaux, dépeignant la période allant des premiers mouvements de résistance jusqu’à la glorieuse Révolution de Novembre 1954. Cette épopée d’une grande force visuelle remporte la Palme d’or au Festival de Cannes en 1975.
Directeur de l’Office national du cinéma et de l’industrie cinématographique (ONCIC) de 1981 à 1984, le défunt signe durant cette période deux films : «Vent de sable» (1982) et «La Dernière Image» (1985). Son dernier long-métrage, « Crépuscule des ombres », sortira en 2014.
Mohamed Lakhdar Hamina a également produit plusieurs films à succès, tels que « Z » (1969) de Costa-Gavras et «Le Bal» (1983) d’Ettore Scola. Il est également connu pour ses apparitions en caméo dans certains de ses propres films.
Que Dieu ait son âme et accorde à sa famille, ainsi qu’à toute la communauté artistique et culturelle, patience et réconfort.
L.R.



