La décision du président Abdelmadjid Tebboune de reporter la présentation du projet de création des deux agences nationales chargées de la gestion et de la régulation des activités d’importation et d’exportation ne relève pas du hasard. Elle témoigne, selon l’économiste Abdelrahmane Hadef, d’une approche stratégique réfléchie et d’une volonté d’assurer l’efficacité et la pérennité de la réforme du commerce extérieur.
Invité lundi de l’émission L’invité du matin sur la chaîne 1 de la Radio algérienne, Hadef a salué une décision « lucide » qui reflète, selon lui, une conscience aiguë des enjeux structurels liés à la diversification économique du pays, à l’heure où l’Algérie s’ouvre progressivement aux marchés internationaux.
Une réforme clé pour la transformation économique
Pour l’expert, ce projet s’inscrit dans la continuité du processus de transformation économique engagé depuis 2020, avec pour ambition de moderniser le système commercial national et de faire du commerce extérieur un pilier stratégique du développement hors hydrocarbures.
Il souligne que la volonté du chef de l’État de retravailler les textes réglementaires encadrant les futures agences est révélatrice d’une approche méthodique et institutionnelle, attentive aux standards internationaux. Il s’agit, affirme-t-il, de bâtir une architecture durable, capable de s’adapter aux évolutions économiques mondiales.
Des agences spécialisées pour une gouvernance efficace
Selon Hadef, le moment est venu pour passer des intentions à l’action concrète à travers la création de deux agences spécialisées, dotées des ressources et des compétences nécessaires pour encadrer les flux d’importation et d’exportation. Ce dispositif devra s’inscrire dans une stratégie nationale claire, anticipative et rigoureusement planifiée.
Il insiste également sur la nécessité de réduire les importations non essentielles, de stimuler les exportations hors hydrocarbures et de renforcer les réserves en devises, en soutenant la production nationale et en consolidant les équilibres du commerce extérieur.
La supervision directe du projet par le président Tebboune, notamment à travers la convocation prochaine d’une réunion ministérielle restreinte dédiée à sa mise en œuvre, est perçue par Hadef comme un signe fort de l’engagement du plus haut sommet de l’État en faveur d’une réforme efficiente et rigoureuse.
« C’est un signal clair : il ne s’agit plus de gérer le commerce extérieur dans le flou, mais de construire un système institutionnel fondé sur la donnée, l’analyse, et la gouvernance intelligente », a-t-il affirmé.
S’inspirer des modèles internationaux et miser sur la numérisation
Enfin, le spécialiste plaide pour une réforme fondée sur l’intelligence économique, avec une analyse fine des besoins du marché national et une identification précise des acteurs pertinents. Il recommande de s’inspirer des expériences internationales réussies, tout en intégrant des outils numériques avancés pour surveiller en temps réel les évolutions du marché et y répondre avec agilité.
Plusieurs pays émergents ont su amorcer leur décollage économique grâce à des réformes similaires dans le commerce extérieur :
- Le Vietnam, par exemple, a transformé son économie en devenant une plateforme majeure d’exportation industrielle en Asie. Grâce à une stratégie claire de diversification de ses partenaires commerciaux, d’accords de libre-échange ciblés et de facilitation douanière, le pays a vu ses exportations exploser en deux décennies.
- L’Éthiopie, en Afrique, a misé sur la création de parcs industriels orientés vers l’export (textile, cuir, agroalimentaire), combinée à une politique logistique ambitieuse, ce qui a permis une montée en puissance des exportations non pétrolières.
Ces expériences montrent qu’un cadre institutionnel clair et stable, appuyé par une volonté politique forte, constitue le socle de toute stratégie de commerce extérieur réussie.
L.R.
