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mercredi 29 octobre 2025

Crise au Moyen-Orient : Le baril sous haute tension

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Alors que la confrontation militaire entre l’Iran et Israël embrase à nouveau le Moyen-Orient, les marchés pétroliers vacillent. Dans une région qui abrite une part majeure des exportations mondiales de brut, chaque tir de missile se traduit par une flambée des cours. Le spectre d’un pétrole à 150 dollars en 2025 devient une hypothèse sérieuse pour les analystes. Mais derrière cette hausse se dessinent des enjeux bien plus profonds : ceux d’un ordre énergétique mondial en mutation.

Une nouvelle onde de choc frappe les marchés de l’énergie. En l’espace de quelques heures, les cours du pétrole se sont envolés de 13 % à l’ouverture du marché vendredi, après des frappes israéliennes sur le territoire iranien. C’est la plus forte hausse journalière depuis mars 2022, date à laquelle l’invasion de l’Ukraine par la Russie avait déjà sonné l’alarme d’un monde fragilement interconnecté par ses besoins énergétiques.

Cette fois-ci, ce n’est pas tant la réduction de l’offre effective qui inquiète les marchés — aucune infrastructure n’a encore été visée — que la géographie même du conflit : il se déroule au cœur de la principale artère énergétique de la planète. Le Moyen-Orient concentre à lui seul plus de 30 % de la production mondiale de pétrole et près de la moitié des réserves prouvées. La moindre menace sur les installations ou sur les détroits maritimes cruciaux, notamment celui d’Ormuz, suffit à tendre les nerfs des traders et à alimenter les pires anticipations.

Les projections s’envolent, les incertitudes s’installent

JP Morgan Chase estime que le baril pourrait rapidement grimper à 130 dollars en cas de prolongement des hostilités. Le scénario le plus sombre évoqué par ING Barings envisage un baril à 150 dollars avant la fin de l’année 2025. À cette flambée spéculative s’ajoute la prudence logistique : Frontline, un des plus grands transporteurs de brut au monde, a suspendu certains de ses chargements dans la région, signal clair que les routes maritimes ne sont plus considérées comme sûres.

Le sentiment général ? L’hyper-volatilité : un état où les prix ne sont plus dictés par les fondamentaux de l’offre et de la demande, mais par le niveau d’incertitude géopolitique — un facteur insaisissable et incontrôlable, par nature.

Face à cette volatilité, certains observateurs veulent croire en un rôle stabilisateur de l’OPEP+, et notamment de ses capacités de production excédentaires. Le cabinet Rystad Energy évoque la possibilité de compenser partiellement une perte de production iranienne par des hausses de pompage d’autres pays membres. Mais cette lecture reste optimiste : les divergences internes à l’OPEP, les contraintes d’investissement, et l’alignement stratégique de certains États membres avec l’Iran compliquent toute réponse coordonnée.

Un marché à la merci des tensions régionales

Depuis les années 1970, le pétrole reste un marché structurellement vulnérable aux tensions géopolitiques, et plus encore lorsqu’elles émanent du Moyen-Orient. Contrairement aux métaux ou aux céréales, l’acheminement du brut dépend de couloirs maritimes très exposés : Ormuz, Bab el-Mandeb, le canal de Suez. La fermeture ou même la militarisation d’un de ces points névralgiques pourrait provoquer un choc d’offre brutal, comme celui redouté en cas d’implication de nouveaux acteurs dans le conflit israélo-iranien.

En toile de fond, la militarisation croissante du commerce énergétique révèle la fragilité du système global. Un commerce mondial du brut fondé sur la fluidité des échanges peut s’effondrer en quelques heures lorsqu’un détroit devient un champ de bataille.

L’Occident face au piège de la dépendance

L’actuelle flambée des cours rappelle cruellement à l’Occident sa dépendance persistante à l’or noir, malgré deux décennies de discours sur la transition énergétique. Les États-Unis et l’Europe, qui espéraient sortir renforcés de la crise énergétique post-Ukraine grâce au gaz naturel liquéfié (GNL) et aux énergies renouvelables, découvrent que les hydrocarbures restent centraux, tant dans l’industrie que dans le transport.

Ce contexte alimente une pression renouvelée pour accélérer le développement des alternatives : électrification massive des transports, investissements dans l’hydrogène, relance du nucléaire, déploiement du solaire à grande échelle. Mais ces solutions restent de long terme. À court terme, l’économie mondiale reste piégée dans un monde où le pétrole est encore roi.

Vers un nouvel ordre énergétique mondial ?

La « catastrophe pétrolière » redoutée par l’économiste saoudien Fahd bin Jumah pourrait ne pas se limiter à une flambée des prix. Elle pourrait précipiter une recomposition stratégique : redéfinition des alliances énergétiques, ruée sur de nouveaux gisements africains ou arctiques, militarisation accrue des routes maritimes, et renforcement du découplage énergétique entre l’Occident et les puissances du Sud.

Dans ce contexte, l’Algérie, dont l’économie repose encore largement sur les hydrocarbures, pourrait voir ses recettes en devises s’envoler… mais au prix d’un équilibre mondial toujours plus instable.

Le pétrole, loin d’être une simple commodité, reste un levier stratégique majeur, soumis à des forces souvent plus politiques qu’économiques. En 2025, le prix du baril ne sera pas dicté uniquement par les lois du marché, mais par les trajectoires incertaines d’un monde fracturé, tiraillé entre ses besoins immédiats et ses ambitions de souveraineté énergétique.

L.R.

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