Présentée comme une « réforme majeure », la nouvelle loi bancaire introduit une architecture inédite : création d’un Comité national des paiements, ouverture du marché à de nouveaux acteurs financiers et préparation du terrain pour une monnaie numérique de banque centrale (MNBC).
« La promulgation de cette loi constitue l’une des réformes les plus profondes de notre histoire bancaire », a affirmé M. Taleb, soulignant qu’elle abroge l’ordonnance de 2003 et s’aligne sur les standards internationaux.
La Banque d’Algérie veut ainsi bâtir un écosystème ouvert et interconnecté, où se côtoieront désormais banques digitales, banques islamiques, banques d’affaires et prestataires de services de paiement (PSP). Cette diversification vise à élargir l’inclusion financière et à réduire la dépendance aux transactions physiques, encore largement dominantes dans le pays.
La digitalisation, un levier de modernisation
Le gouverneur a insisté sur le rôle clé de la digitalisation dans cette mutation :
« La signature et la promulgation de plusieurs textes réglementaires stimulent la modernisation des moyens de paiement », a-t-il expliqué, évoquant un cadre juridique adopté « à un rythme soutenu » pour accompagner l’évolution des usages.
La Banque centrale s’attèle à bâtir une infrastructure numérique solide, incluant les paiements instantanés, les portefeuilles électroniques et les plateformes interbancaires.
Objectif : faire en sorte qu’à l’horizon 2028, chaque transaction, du commerce au service public, puisse être effectuée sans cash.
Un rempart contre le blanchiment et l’économie informelle
Cette bascule vers le tout-numérique s’accompagne d’un renforcement inédit des dispositifs de contrôle et de conformité.
Sous la surveillance du Groupe d’action financière (Gafi), l’Algérie a engagé une refonte totale de son système de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBC/FT).
Deux structures ont été mises en place : un Comité national d’évaluation des risques, chargé du suivi, et un Comité de coordination nationale, installé au sein de la Banque d’Algérie, réunissant tous les secteurs concernés.
M. Taleb a précisé que l’ensemble des institutions « ont déployé des stratégies d’atténuation des risques et formé les superviseurs », une démarche saluée par les évaluateurs du Joint Group (ICRG).
« Ces avancées constituent un bon présage pour une sortie rapide de notre pays de la liste de surveillance du Gafi », s’est félicité le Gouverneur.
Un secteur sous haute surveillance mais résilient
Face aux mutations rapides du monde financier, Salah Eddine Taleb a tenu à rassurer sur la solidité du système bancaire algérien, qu’il décrit comme « le plus réglementé de la sphère économique ».
Les règles de contrôle interne, de comptabilité et de change ont, selon lui, préservé le secteur des chocs mondiaux récents.
Cette rigueur constitue désormais la base sur laquelle s’appuie la transition numérique : une banque stable, mais en pleine transformation.
Un virage économique et culturel
L’objectif de 2028 ne concerne pas seulement la finance : il traduit une vision de souveraineté et d’efficacité économique.
Mettre fin au cash, c’est réduire le poids de l’économie informelle, accroître la traçabilité des flux financiers et stimuler la transparence fiscale.
C’est aussi une question de confiance : celle d’un État qui mise sur la technologie pour sécuriser ses échanges et libérer son économie de la paperasse et des billets.
2028, l’an zéro de la monnaie électronique algérienne
Dans trois ans, si le calendrier est respecté, les espèces auront cessé d’être le mode dominant de paiement en Algérie.
Les citoyens pourront alors régler achats, factures et impôts depuis leur smartphone, tandis que la Banque d’Algérie pilotera en temps réel la circulation monétaire via des outils numériques.
Cette transition ne sera pas qu’un progrès technique — c’est une révolution culturelle et institutionnelle : celle d’un pays qui s’émancipe du cash pour entrer dans l’ère de la monnaie intelligente.



