À fin septembre 2025, 21 millions de cartes de paiement électronique circulent en Algérie, dont près de 80 % sont des cartes Edahabia d’Algérie Poste. Cette diffusion massive traduit l’effort engagé pour moderniser les moyens de paiement et réduire la dépendance au liquide. Mais derrière ce dynamisme, un déséquilibre persiste : l’équipement des commerçants reste largement en retrait.
Le pays compte environ 1,6 million de commerçants, pour à peine 77 000 terminaux de paiement électronique (TPE) actifs. Résultat : malgré la progression des cartes et des solutions mobiles, le paiement numérique reste l’exception dans le commerce de proximité. Les consommateurs disposent des outils, mais manquent encore de points d’acceptation.
Un usage en progression constante
Les statistiques du secteur confirment une hausse continue des transactions électroniques, qu’il s’agisse des paiements par carte ou via mobile. Des initiatives comme DZ Mob Pay, lancé début 2025, ont déjà séduit plusieurs dizaines de milliers d’utilisateurs et des milliers de commerçants.
Ce mouvement, soutenu par la digitalisation bancaire et l’essor des services de paiement locaux, reflète un changement d’habitudes en cours, particulièrement dans les grandes villes.
Une stratégie nationale pour réduire le cash
Les pouvoirs publics ont fait du paiement électronique un pilier de la modernisation financière. Plusieurs axes structurent cette politique :
- Démocratisation de la carte Edahabia, levier d’inclusion et de bancarisation.
- Déploiement de solutions de paiement mobile (QR code, portefeuilles électroniques) pour simplifier l’usage.
- Coordination intersectorielle entre les ministères des Finances, de la Poste et des Télécoms, et le GIE Monétique, pour élargir le réseau de TPE et instaurer des incitations fiscales.
- Réduction du recours au cash à travers des campagnes et une feuille de route de numérisation accélérée.
L’objectif affiché : faire du paiement électronique un réflexe citoyen et un outil d’efficacité économique.
Des réticences encore fortes
Pourtant, le déclic commercial tarde à venir. Plusieurs freins ralentissent l’adoption :
- Coût d’investissement du TPE et frais de transaction jugés trop élevés pour les petits commerces.
- Préférence culturelle pour le cash, perçu comme plus sûr et plus pratique.
- Manque de confiance dans la fiabilité technique et les délais de règlement.
- Faible couverture réseau et manque de formation dans certaines régions.
Ces obstacles alimentent un cercle d’inertie : sans commerçants équipés, les consommateurs n’ont pas l’occasion d’utiliser leurs cartes ; sans demande, les commerçants n’investissent pas.
Les leviers de l’accélération
Pour changer d’échelle, l’État et les acteurs du secteur bancaire misent sur des mesures incitatives :
- Subventions partielles pour l’acquisition de TPE et exonération temporaire des frais pour encourager l’entrée dans le système.
- Allègement des commissions sur les petites transactions.
- Campagnes de sensibilisation et programmes de formation destinés aux commerçants et au grand public.
- Amélioration des délais de compensation et renforcement du support technique pour fiabiliser les transactions.
- Promotion des solutions mobiles à faible coût, comme le paiement par QR code, qui offre une alternative rapide à la lourdeur logistique du TPE.
Un horizon encore à conquérir
Les signaux sont encourageants : les volumes électroniques augmentent, la culture numérique progresse, et les infrastructures s’étoffent. Mais la réussite dépendra de la capacité à synchroniser les efforts — financiers, techniques et pédagogiques — pour briser la domination du cash et instaurer la confiance dans l’e-paiement.
En d’autres termes, l’Algérie a franchi le cap de la modernisation, mais pas encore celui de la massification. La généralisation du paiement électronique ne se décrète pas : elle se construit pas à pas, entre technologie, pédagogie et confiance.
L.R.



