La culture algérienne pleure l’une de ses figures les plus emblématiques. Baya Bouzar, mieux connue sous le nom de scène Biyouna, s’est éteinte mardi à l’âge de 73 ans, après une longue et courageuse lutte contre la maladie. Comédienne, chanteuse et icône du théâtre et du cinéma, elle laisse derrière elle une carrière éclatante et des personnages devenus cultes, qui ont marqué les générations au Maghreb et au-delà des frontières françaises.
Une bataille de dix ans contre la maladie
Depuis 2016, Biyouna menait un combat difficile contre le cancer. Sa santé, fragile depuis plusieurs années, s’est brutalement détériorée début novembre 2025. Hospitalisée d’abord à l’hôpital Nefissa Hamoud, puis transférée à Béni Messous en raison d’une insuffisance respiratoire et d’une chute dangereuse de sa saturation en oxygène, elle s’est éteinte entourée de ses proches, mettant fin à près d’une décennie de résilience et de courage face à la maladie.
Une artiste hors norme
Née à Alger sous le nom de Baya Bouzar, Biyouna s’impose très tôt comme une artiste inclassable, oscillant entre éclat, audace et sensibilité profonde. Comédienne au tempérament explosif, chanteuse au timbre unique et personnalité de scène attachante, elle a construit un parcours où théâtre, cinéma et télévision se rencontrent, toujours avec cette liberté de ton qui la caractérisait.
Elle franchit les frontières culturelles sans jamais renoncer à l’essence de son identité artistique. Biyouna incarnait une attitude : une voix mordante, un humour acéré et une audace immédiate, qui la rendait reconnaissable entre toutes.
Des rôles qui ont marqué l’histoire du cinéma et de la télévision
Sa carrière est marquée par une succession de rôles mémorables qui ont profondément façonné l’histoire du cinéma algérien et laissé une empreinte durable dans la mémoire collective. C’est en 1973, avec Al Harik, que Biyouna révèle son talent au grand public, installant les bases de sa renommée. Elle confirme son expressivité et sa puissance scénique dans Le Harem de Mme Osmane (1999), un rôle unanimement salué par la critique et le public. En 2003, Viva l’Algérie lui permet de livrer une interprétation intense d’une femme forte et complexe, capable de traverser les nuances de l’émotion avec une justesse rare. Enfin, Délice Paloma (2007) demeure l’un de ses rôles emblématiques, mêlant avec brio humour, tragédie et réalisme social, et démontrant toute l’étendue de sa palette dramatique.
À la télévision, Biyouna a conquis le public grâce à Nass m’lah city et Nssibti laâziza, deux feuilletons qui ont ancré sa popularité. Sa spontanéité, son sens du comique et sa répartie incisive sont devenus des signatures immédiates.
Entre comique et tragique : un art de l’émotion
La force de Biyouna résidait dans cette capacité rare à naviguer entre le rire et la gravité. En un instant, elle pouvait provoquer le sourire, puis toucher à une vérité humaine profonde. Cette dualité, parfaitement maîtrisée, est devenue sa marque de fabrique : justesse émotionnelle, énergie vibrante et présence magnétique, à la scène comme à l’écran.
Une vague d’hommages et de reconnaissance
La disparition de Biyouna a suscité une émotion immense. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a adressé ses condoléances à sa famille et au monde artistique, saluant « une grande figure de la culture nationale » et rendant hommage à son apport au théâtre, au cinéma et à la musique algérienne.
De nombreux professionnels du spectacle, partenaires de scène et spectateurs ont également exprimé leur admiration pour son talent, son audace et sa générosité artistique.
Un héritage qui transcende les frontières
L’œuvre de Biyouna dépasse largement le cadre de ses rôles. Elle a façonné une manière d’être artiste : libre, franche et iconoclaste. Son rire, son ironie et son franc-parler ont donné un visage unique à l’imaginaire collectif algérien.
Ses participations à des productions étrangères ont permis de porter la culture algérienne au-delà des frontières, faisant connaître la vitalité du cinéma maghrébin dans l’espace francophone. Aujourd’hui, de nombreux jeunes comédiens, réalisateurs et humoristes revendiquent son influence. Son audace et sa capacité à briser les codes resteront une source d’inspiration durable.
Une étoile qui continue de briller
Si Biyouna disparaît, son empreinte artistique demeure intacte. Ses personnages, sa voix et son énergie continueront d’habiter la mémoire culturelle de millions de spectateurs. Icône populaire respectée, elle laisse derrière elle un héritage dense, vibrant, et un vide immense dans le paysage artistique algérien.
Biyouna n’était pas seulement une actrice ou une chanteuse : elle était une étincelle , un souffle poétique et rebelle, une étoile dont l’éclat ne s’éteindra jamais dans le cœur de ceux qui l’ont aimée et admirée.
L.R.



