Alors que l’Algérie mène une ambitieuse stratégie nationale pour moderniser et étendre son réseau autoroutier, des signes de fatigue apparaissent sur certaines sections clés. Fissures structurelles et congestion chronique affectent l’autoroute Est-Ouest, en particulier autour des grandes agglomérations comme Alger, Blida ou Boumerdès, où le trafic dépasse désormais les 100 000 véhicules par jour. Une réalité qui pousse les autorités à agir rapidement sur plusieurs fronts.
L’Algérie dispose aujourd’hui de 145 000 km de routes, dont 1 570 km d’autoroutes, selon Ismaïl Rabhi, directeur général des infrastructures de base au ministère des Travaux publics. Si 83 % du réseau est revêtu, certaines artères stratégiques souffrent d’une usure avancée, aggravée par des années de trafic intense.
À ce titre, l’autoroute Est-Ouest, colonne vertébrale de la circulation routière nationale avec ses 1 158 km, fait l’objet de préoccupations majeures. Des fissures sont apparues sur plusieurs segments, principalement causées par des surcharges liées aux poids lourds et l’épuisement des matériaux, dont la durée de vie a été atteinte ou dépassée.
Le congestionnement est désormais structurel sur le tronçon Bir Touta – Khemis El Khechna, un axe névralgique du centre du pays. Le nombre de véhicules y est passé de 84 000 en 2022 à plus de 100 000 en 2025, dont plus de 20 % sont des camions. Résultat : embouteillages récurrents, allongement des temps de trajet, hausse des risques d’accidents et de pollution.
Les autorités reconnaissent l’urgence de désengorger cette section par des voies parallèles, des élargissements ou des alternatives ferroviaires.
Une stratégie nationale pour anticiper l’avenir
Pour répondre à cette pression croissante, l’Algérie a engagé un schéma directeur national pour restructurer et élargir son réseau routier. Objectif : créer une infrastructure multimodale et interconnectée, capable d’absorber la croissance démographique, les flux logistiques et le trafic touristique.
Un projet phare de ce plan est la réalisation d’une nouvelle autoroute traversant les Hauts Plateaux sur 1 030 km, destinée à désengorger l’Est-Ouest tout en désenclavant l’intérieur du pays.
Connecter les ports, les villes et les zones industrielles
Selon Saïd Si Cheaib, directeur général de l’Algérienne des autoroutes, plusieurs projets visent à améliorer les connexions entre le réseau autoroutier, les ports et les grandes agglomérations :
- Le bretelle reliant le port de Djen Djen (Jijel) à l’autoroute Est-Ouest (110 km, dont 27 km déjà livrés) ;
- La connexion du port de Béjaïa, avec 16 km restants à finaliser ;
- Huit ports concernés par ces connexions : Skikda, Djen Djen, Béjaïa, Ténès, Mostaganem, Oran, Ghazaouet, Cherchell ;
- Des axes urbains vers Tizi Ouzou, Batna, Mascara et Guelma sont également en cours d’étude.
Ces projets s’inscrivent dans un plan intégré de développement économique, industriel et touristique.
En parallèle aux extensions, l’État renforce la maintenance des infrastructures existantes. Plus de 900 agents sont déployés sur 20 sites de maintenance pour garantir l’état et la sécurité de l’autoroute Est-Ouest, qui reste un axe vital pour le commerce et la mobilité.
Enfin, les autorités misent sur une interconnexion entre route, rail, air et mer, afin de bâtir un système de transport moderne, résilient et moins dépendant de la route. Le développement du transport ferroviaire est désormais vu comme un levier stratégique pour soulager le réseau autoroutier, tout en améliorant la fluidité des échanges nationaux et internationaux.
Entre besoin de rénovation, nécessité d’expansion et enjeux de connectivité logistique, l’Algérie avance vers une refonte profonde de ses infrastructures routières. Mais l’urgence est palpable : les fissures visibles sur certaines routes sont aussi les symptômes d’un modèle à rééquilibrer, au service d’un développement territorial durable.
L.R.



