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mardi 28 octobre 2025

Chine : Plan quinquennal, remède ou mirage ?

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Pékin ouvre son plénum dans un climat d’incertitude : le Parti communiste doit redessiner, du 20 au 23 octobre 2025, la trajectoire économique de 2026 à 2030. Au cœur des débats : relancer la consommation intérieure, combler les retards technologiques et gérer les fracas laissés par la pandémie, la crise immobilière et les tensions sino-américaines.

Dans le décor feutré de l’hôtel Jingxi, à l’ouest de Pékin, le huis clos du Comité central du Parti communiste chinois (PCC) bat son plein. Du lundi 20 au jeudi 23 octobre 2025, les 372 membres — titulaires et suppléants — plancheront sur le quinzième plan quinquennal, document-cadre qui doit orienter la stratégie économique, industrielle et sociale du pays pour la période 2026-2030. Comme toujours, le rituel est immuable : réunions fermées, discussions en profondeur et, à l’issue, un communiqué synthétique. Mais derrière le cérémonial, l’enjeu est loin d’être protocoliaire : il s’agit de réussir, ou de rater, le recentrage d’une économie en pleine interrogation.

Un modèle planifié mais fragilisé

La Chine est l’une des rares grandes économies qui continue à planifier explicitement son développement à moyen terme. Depuis 1953, ces plans quinquennaux ont servi de boussole : industrialisation, montée en gamme, infrastructures massives, puis transition vers des technologies de pointe. Pourtant, le quatorzième plan (2021-2025) — qui visait une série d’objectifs ambitieux allant de la modernisation industrielle à la neutralité carbone — a été régulièrement malmené par des chocs successifs.

La pandémie de Covid-19 a interrompu des cycles économiques, creusé des disparités territoriales et modifié les comportements de consommation. La crise du secteur immobilier, moteur ancien de la croissance, a réduit les revenus et la confiance des ménages. Le chômage des jeunes, phénomène inédit et socialement sensible, a élargi la fracture entre la promesse d’ascension sociale et la réalité du marché du travail. Enfin, la surcapacité dans certains secteurs — solaire, batteries, certaines branches manufacturières — a montré les limites d’un modèle encore trop axé sur l’investissement massif plutôt que sur la viabilité des débouchés.

Ces échecs partiels ne signifient pas l’abandon du modèle planifié : au contraire, ils poussent Pékin à reconsidérer ses leviers. Mais la tâche est ardue : comment piloter une relance sans reproduire les excès d’un hyper-investissement qui a fini par produire ses propres déséquilibres ?

Relancer la demande intérieure : impératif politique et économique

Un consensus semble se former au sein des élites : il faut mieux ancrer la croissance dans la consommation intérieure. Cela implique de restaurer le pouvoir d’achat, de réformer le marché du travail, d’améliorer les filets sociaux et de soutenir l’emploi des jeunes. Le quinzième plan pourrait donc contenir des mesures visant à alléger le fardeau des ménages — fiscalité ciblée, aides au logement, soutien aux petites entreprises et aux secteurs créateurs d’emplois — afin d’inciter les foyers à dépenser et stimuler la demande.

Mais ce recentrage n’est pas qu’une question économique : il est politique. Pour le Parti, assurer la stabilité sociale et préserver sa légitimité passent par la capacité à offrir des perspectives concrètes aux générations montantes. Dans un pays où l’image de la réussite individuelle a jusqu’ici été largement associée à l’immobilier et à la promotion sociale, la redistribution d’un modèle de croissance exige des ajustements sensibles, parfois douloureux.

Autonomie technologique et montée en puissance industrielle

Le quinzième plan devrait également renforcer l’accent sur l’autonomie technologique. Les tensions commerciales et technologiques avec les États-Unis ont rappelé à Pékin la vulnérabilité de certaines chaînes critiques — semi-conducteurs en tête. Attendre n’est plus une option : accélérer la R&D, soutenir les filières stratégiques, multiplier les partenariats publics-privés et financer massivement la montée en compétences deviennent des priorités.

Cela dit, l’autonomie industrielle ne se décrète pas. Elle demande du temps, des investissements ciblés, mais aussi un environnement réglementaire et financier favorable à l’innovation — ce qui suppose parfois de réformer des institutions et de repenser des modèles de gouvernance corporative encore marqués par des distorsions.

Le Sud global comme horizon stratégique

Au-delà d’un recentrage domestique, Pékin pourrait formaliser davantage sa stratégie d’ouverture vers le Sud global. Face aux risques liés à la dépendance aux marchés occidentaux, la Chine cherche à consolider des relais de croissance à travers l’Afrique, l’Asie du Sud-Est, l’Amérique latine et d’autres partenaires émergents. Ces relations, basées sur les investissements, les infrastructures et la diplomatie économique, servent à la fois des objectifs commerciaux et géopolitiques : diversifier les marchés d’exportation, sécuriser des matières premières et élargir des alliances politiques.

Objectif chiffré : pari sur la confiance ou source d’incohérence ?

Fait notable : le précédent plan s’était abstenu de fixer un objectif de croissance chiffré, évoquant simplement une volonté de maintenir le PIB « dans une fourchette raisonnable ». Certains experts pressent aujourd’hui Pékin de revenir à un objectif quantitatif pour rassurer investisseurs et marchés. Mais assigner un chiffre revient à prendre un risque politique : un objectif trop ambitieux pourrait inciter à des mesures pro-cycliques ; un objectif trop prudent enverrait un signal de faiblesse.

Au fond, le quinzième plan est une équation complexe où se croisent besoins macroéconomiques, contraintes géopolitiques et impératifs sociaux.

Xi Jinping et l’équilibre du pouvoir

Sur le plan politique, le dossier est aussi une mise à l’épreuve pour Xi Jinping. L’équation « China First » — volonté de renforcer la souveraineté nationale, défendre les intérêts stratégiques et protéger l’appareil productif — se combine avec la nécessité de relancer la consommation et de désamorcer des tensions sociales. Xi et ses proches devront arbitrer entre une ligne dure sur la scène internationale et une politique domestique plus accommodante, sans laisser paraître la moindre contradiction, faute de fragiliser le consensus interne.

Un plan pour sauver le modèle… ou l’adapter ?

Le quinzième plan quinquennal est bien plus qu’un exercice bureaucratique : il est le reflet des doutes, des priorités et des choix d’une Chine à la croisée des chemins. Peut-il réussir à corriger les déséquilibres accumulés tout en préservant la cohésion politique ? Peut-il transformer une économie qui a longtemps prospéré grâce à l’investissement en une économie tirée par la consommation et la technologie ? Les réponses seront à la fois techniques et politiques, et la manière dont Pékin articulera mesures structurelles, soutien conjoncturel et discours de légitimation déterminera le destin du modèle chinois pour la seconde moitié de la décennie 2026-2030.

Le plénum vient d’ouvrir ses travaux : les semaines suivant la publication du communiqué permettront de mesurer l’ampleur des ambitions — et la réalité des contraintes.

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