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samedi 6 décembre 2025

Hydrogène vert :  Le grand virage…

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L’Algérie entame une nouvelle étape de sa métamorphose énergétique. Entre la réception programmée de neuf stations photovoltaïques en 2026 et le démarrage anticipé de la deuxième phase de sa feuille de route pour l’hydrogène, le pays multiplie les initiatives pour diversifier son bouquet énergétique et se positionner sur la future chaîne de valeur de la molécule verte.

Présentant l’état d’avancement du dossier devant l’Assemblée nationale, Mourad Adjal, ministre de l’Énergie et des Énergies renouvelables, a dressé un bilan inscrit dans la continuité de la stratégie nationale adoptée en 2023. Selon le ministre, neuf nouvelles stations solaires devraient être réceptionnées en 2026, portant la capacité solaire mise en service l’année prochaine à près de 1,48 GW (?1,5 GW). Ces infrastructures constituent la première assise matérielle en vue de lancer — à terme — une production industrielle d’hydrogène bas carbone.

« Des études de faisabilité technique et économique ont été lancées pour déterminer les capacités de production du pays, afin de préparer le terrain au lancement de projets fiables et rentables », a déclaré Mourad Adjal, soulignant l’importance d’un appui scientifique et financier solide pour assurer la viabilité des projets.

De la production solaire à l’électrolyse : une chaîne qui se structure

La stratégie algérienne articule clairement le développement du solaire et celui de l’hydrogène. La production solaire visée à court terme servira d’alimentation pour les électrolyseurs destinés à produire de l’hydrogène vert, et plus largement pour sécuriser un approvisionnement énergétique décarboné pour l’industrie et l’export.

L’État a déjà fixé des jalons temporels : des projets pilotes doivent être menés entre 2025 et 2030, avant une montée en puissance plus généralisée des unités de production à partir de 2030, et la production de tous types d’hydrogène (gris, bleu et vert) envisagée à l’horizon 2035.

Projets-pilotes et partenariats internationaux

Plusieurs projets emblématiques ont été mentionnés parmi ceux qui préfigurent l’industrialisation :

  • Arzew : un projet de production d’hydrogène vert de 50 MW en coopération avec la société allemande VNG.
  • Sonatrach – Cepsa : un projet intégré de 200 MW actuellement en phase d’études, mené avec le partenaire espagnol Cepsa.
  • Des initiatives menées conjointement par Sonelgaz et Sonatrach, qui jouent le rôle d’opérateurs publics dans la phase pilote.

Ces coopérations témoignent de l’attractivité du dossier algérien pour des acteurs européens désireux de sécuriser des approvisionnements décarbonés et de développer des chaînes d’approvisionnement hydrogène euro-méditerranéennes.

Corridor South 2 : anticiper les marchés et sécuriser l’investissement

Pour renforcer l’ancrage industriel et commercial de ces projets, l’Algérie s’est engagée dans la préparation du corridor South 2, un montage qui associe Sonatrach et Sonelgaz à des entreprises d’Allemagne, d’Italie, d’Autriche et de Tunisie. L’objectif affiché est double : sécuriser les débouchés en amont (approvisionnement énergétique) et valoriser la production algérienne sur des marchés étrangers, notamment européens.

À plus long terme, le ministère vise une production de 1,2 million de tonnes d’hydrogène en 2040, soit environ 40 TWh par an, ce qui représenterait près de 10 % des besoins du marché européen en cette nouvelle ressource énergétique. Chiffres et calendrier sont rapprochés pour montrer l’ambition — mais aussi la complexité — d’un plan qui touchera à la fois à l’industrie, aux infrastructures, aux marchés et aux régulations.

Si la feuille de route paraît désormais concrète, plusieurs défis majeurs subsistent :

  • Approvisionnement en électricité renouvelable : assurer une production solaire suffisante, stable et prioritairement dédiée à l’hydrogène, sans fragiliser l’équilibre du réseau national.
  • Ressources en eau : l’électrolyse nécessite de l’eau d’excellente qualité ; l’approvisionnement durable (dessalement, recyclage) et son coût sont des variables critiques.
  • Financement : la montée en puissance implique des investissements lourds — parcs solaires, électrolyseurs, infrastructures de transport/stockage — rendus possibles par des cofinancements publics-privés et des partenariats internationaux.
  • Cadre réglementaire et incitations : création d’un environnement juridique, fiscal et contractuel attractif pour attirer investisseurs et garantir la sécurité juridique des opérations.
  • Compétences et chaîne industrielle : montée en compétence locale, formation spécialisée et développement d’une filière de sous-traitance sont nécessaires pour éviter une simple enclave d’exportation sans retombées industrielles nationales.
  • Logistique et export : développement d’options d’export (gazoducs adaptés, transport d’ammoniac ou d’hydrogène liquéfié, certificats d’origine verte) pour rendre la production algérienne compétitive sur le marché européen.

Retombées attendues : économie, emploi et transition

Les autorités mettent en avant les bénéfices attendus : diversification des recettes nationales, création d’emplois qualifiés, montée en gamme industrielle et amélioration de l’empreinte carbone. L’hydrogène, s’il est produit réellement à partir d’électricité renouvelable, permettra à l’Algérie de valoriser ses atouts naturels (ensoleillement, position géographique proche de l’Europe) tout en contribuant à la décarbonation d’industries européennes intensives en carbone.

Le déploiement des projets va de pair avec une diplomatie énergétique renforcée. Les partenariats avec des groupes allemands, espagnols, italiens ou autrichiens traduisent une stratégie : ne pas seulement produire, mais s’insérer dans des chaînes de valeur internationales, sécuriser des contrats d’offtake et obtenir des garanties de financement et d’ingénierie.

L’Algérie avance, étape par étape, vers une économie énergétique renouvelée. La réception des neuf stations photovoltaïques en 2026 et le lancement de la deuxième phase de la feuille de route pour l’hydrogène constituent des jalons concrets. Reste à transformer ces jalons en une filière compétitive, durable et intégrée localement — un enjeu qui dépendra autant de la qualité des études, des financements et des partenariats que de la capacité des acteurs nationaux à piloter une transition technique, sociale et réglementaire profonde.

À l’heure où l’Europe cherche à diversifier ses sources d’hydrogène bas carbone, l’Algérie dispose d’une fenêtre stratégique : celle de convertir son potentiel solaire et sa position géographique en une réelle opportunité industrielle et commerciale. Mais la route est longue : transformer la promesse en réalité demandera rigueur, transparence et une coordination étroite entre pouvoirs publics, entreprises et partenaires étrangers.

L.R.

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