Pour la deuxième année consécutive, la Direction générale des forêts (DGF) a lancé de manière anticipée le plan national de lutte contre les incendies de forêts, avec pour ambition de garantir un été paisible et sans sinistres majeurs, en particulier dans les zones traditionnellement vulnérables.
Invité de l’émission « L’invité du matin » sur la radio nationale ce dimanche, Djamel Touahria, Directeur général des forêts, a souligné les premiers résultats prometteurs de cette stratégie proactive. À la date d’aujourd’hui, les superficies touchées par les flammes en mai ne dépassent pas les 2 hectares, contre 25 hectares pour la même période en 2024.
Une nature résiliente et une vigilance accrue
Touahria a également rappelé que les 3 000 hectares de forêts détruits l’annéeprécédente ont réussi à régénérer leur couverture végétale de manière naturelle. Les enquêtes ont révélé que la majorité des incendies recensés avaient pour origine des terrains privés, avant de se propager vers les massifs forestiers.
Fortes de ces constats, les autorités misent désormais sur une stratégie fondée sur la prévention, la sensibilisation et l’anticipation, en collaboration avec la société civile. Les populations riveraines des zones forestières sont ciblées en priorité par des campagnes de sensibilisation, afin de renforcer la vigilance collective.
Intervention et logistique : des moyens consolidés
Sur le terrain, les équipes d’intervention s’appuient sur un dispositif renforcé : agents forestiers mobilisés, véhicules d’intervention adaptés, amélioration des pistes d’accès et ouverture de nouvelles voies forestières. « Ces axes sont aujourd’hui en excellent état », a assuré le directeur.
Autre mesure phare : la création de tranchées coupe-feu de 50 mètres de large, un dispositif défensif jugé très efficace contre la propagation des flammes.
Technologie et coordination météorologique
En matière de surveillance, la DGF travaille en étroite coordination avec les services météorologiques, qui lui transmettent des bulletins spécialisés pour les zones à haut risque. Des cartes actualisées sont également élaborées grâce à la collaboration avecl’Agence spatiale algérienne, identifiant les régions les plus exposées.
Les technologies de pointe ne sont pas en reste : drones, caméras thermiques fournies par des startups locales (notamment à Tizi Ouzou), et outils de télédétection permettent une détection rapide et précise des foyers. Touahria a rappelé à cette occasion la sévérité de la législation : en cas d’incendie ayant entraîné des décès ou des dommages graves, les peines peuvent aller jusqu’à 30 ans de prison.
Moyens aériens et partenariats scientifiques
L’Algérie peut également compter sur un appui aérien robuste, incluant notamment le bombardier d’eau géant Beriev Be-200, propriété de l’armée nationale. Ces moyens sont essentiels pour réduire l’intensité des feux et ouvrir la voie aux unités terrestres.
Des expériences pilotes sont menées en partenariat avec le ministère de l’Enseignement supérieur, comme celle lancée dans la wilaya de Blida, qui utilise internet et imagerie satellitaire pour surveiller les zones montagneuses.
Drones : des sentinelles aériennes pour les forêts algériennes
Dans la guerre silencieuse contre les incendies de forêts, les drones se sont imposés comme de véritables gardiens du ciel. Grâce à leur capacité à survoler de vastes zones forestières à basse altitude, ces engins volants offrent à la Direction générale des forêts un outil de surveillance rapide, discret et d’une redoutable efficacité.
« Les drones nous permettent de repérer les départs de feu en temps réel, y compris dans des zones escarpées ou difficilement accessibles par les patrouilles terrestres », explique un cadre technique de la DGF. Équipés de caméras thermiques et de systèmes de géolocalisation avancés, ils sont capables de détecter des élévations anormales de température bien avant que les flammes ne deviennent visibles à l’œil nu.
L’intégration de ces technologies dans le dispositif de lutte contre les incendies s’inscrit dans une stratégie plus large de modernisation de la gestion forestière. Les images recueillies par drone permettent également de dresser des cartes de vulnérabilité, d’évaluer l’évolution de la végétation après les feux, et même d’identifier des activités humaines suspectes pouvant constituer une menace pour l’environnement.
À l’instar de certaines startups locales — à l’image d’une entreprise innovante basée à Tizi Ouzou, pionnière dans la fourniture de caméras thermiques intelligentes — l’Algérie commence à bâtir un écosystème technologique forestier fondé sur l’observation aérienne et l’intelligence des données.
En somme, les drones ne se contentent plus d’observer : ils anticipent, informent et sauvent. Une innovation au service d’une ambition nationale : préserver durablement le patrimoine forestier et naturel de l’Algérie face aux défis climatiques.
Le « barrage vert », chantier écologique du siècle
Évoquant la dimension écologique à long terme, Touahria a qualifié le projet de réhabilitation du « barrage vert » de « projet du siècle ». Lancé depuis deux ans, ce programme ambitieux vise à reboiser 400 000 hectares et à lutter contre la désertification.
À ce jour, 24 000 hectares de végétation et d’arbres fruitiers résistants à l’aridité ont été plantés. Parmi eux : oliviers, pistachiers, et même des paulownias sur 500 hectares à Laghouat, destinés à la production de bois et à la revitalisation de l’écosystème steppique.
Dispositif spécial pour l’Aïd et espaces de loisirs aménagés
Enfin, à l’approche des congés de l’Aïd, un plan de prévention spécifique a été mis en place : interdiction des barbecues et des accès non encadrés aux forêts, afin de préserver les espaces naturels.
La DGF a par ailleurs aménagé plusieurs aires de détente forestières ouvertes au public sur l’ensemble du territoire, accessibles à l’investissement privé et à la jeunesse algérienne désireuse de s’impliquer dans l’écotourisme.
Vers un été sans flammes
En combinant mobilisation citoyenne, innovation technologique, moyens logistiques puissants et vision environnementale durable, l’Algérie s’arme avec rigueur et intelligence pour prévenir les incendies de forêt. Un modèle en devenir pour toute la région.
L.R.