Alors que les relations entre l’Algérie et l’Union européenne traversent une phase de tension marquée par un différend commercial et une procédure d’arbitrage lancée par Bruxelles, l’Italie se distingue par une position conciliante et résolument favorable au dialogue. Rome, qui entretient des liens étroits avec Alger, semble prête à jouer le rôle d’intermédiaire dans cette crise.
Un différend au coeur de l’accord d’association UE-Algérie
Depuis plusieurs années, Alger dénonce le déséquilibre de l’accord d’association signé avec l’Union européenne en 2005. Selon les autorités algériennes, les bénéfices tirés de cet accord profiteraient principalement à l’Europe, au détriment de l’économie nationale. Les chiffres cumulés des douanes sur deux décennies viennent appuyer cette perception.
C’est dans ce contexte que, le 16 juillet, l’UE a annoncé le lancement d’une procédure d’arbitrage contre l’Algérie, l’accusant de restreindre les importations européennes et d’imposer des règles d’investissement jugées contraires aux engagements bilatéraux.
Alger, de son côté, a immédiatement dénoncé une décision « unilatérale » de Bruxelles, appelant à la convocation urgente du Conseil d’association, organe de dialogue prévu par le traité.
Un soutien affirmé de l’Italie à Alger
Le 23 juillet à Rome, à l’occasion du cinquième sommet intergouvernemental entre l’Algérie et l’Italie, les deux pays ont affiché une forte convergence de vues. Dans la déclaration conjointe sanctionnant la rencontre, Rome a apporté un soutien explicite à la révision de l’accord d’association, une demande de longue date d’Alger.
Les deux capitales se sont accordées sur la nécessité « d’adapter l’accord en tenant compte de l’équilibre des intérêts des deux parties ». Une formule qui marque une rupture nette avec la position de fermeté adoptée par d’autres États membres de l’UE, notamment la France.
Rome et Alger plaident pour le compromis
Sur le dossier plus immédiat de la procédure d’arbitrage, Rome et Alger prônent le dialogue et la recherche d’un compromis. La déclaration commune souligne l’importance « de renforcer les échanges et les consultations afin de résoudre les différends dans un esprit de respect mutuel ».
Ce positionnement ouvre la voie à une désescalade, suggérant qu’Alger n’est pas opposée à des discussions avec Bruxelles, à condition qu’elles se fassent sur une base équitable.
Le contraste est frappant avec la position défendue par certains responsables politiques français. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a publiquement appelé au gel des négociations avec Alger, estimant que l’Algérie bénéficiait indûment de l’accord actuel grâce à des avantages douaniers.
Dans une déclaration au Figaro, Retailleau a affirmé que « l’Algérie y gagne beaucoup plus que l’Europe », appelant à bloquer toute tentative de renégociation.
L’Italie, nouvel acteur clé du dialogue euro-maghrébin
Si l’Italie peut aujourd’hui jouer un rôle de facilitateur crédible, c’est en partie grâce à sa relation de confiance avec Alger, mais aussi en raison de sa stratégie africaine renouvelée. À travers le Plan Mattei, Rome entend repositionner sa politique étrangère autour de partenariats économiques équitables avec le continent africain.
Ce plan, promu par la cheffe du gouvernement Giorgia Meloni, prévoit des incitations aux entreprises italiennes investissant en Afrique, en particulier dans le Maghreb. Il est présenté comme une alternative sérieuse à la politique européenne classique, longtemps jugée paternaliste ou déséquilibrée.
Le Plan Mattei a été mis en avant dans la déclaration conjointe algéro-italienne comme « un nouveau paradigme » dans les relations euro-africaines, axé sur des logiques de co-développement et de respect mutuel.
Vers une médiation italienne entre Alger et Bruxelles ?
En prenant fait et cause pour la révision de l’accord d’association et en plaidant pour une résolution pacifique du contentieux actuel, l’Italie se positionne non seulement comme un partenaire stratégique pour l’Algérie, mais aussi comme un interlocuteur influent au sein de l’UE.
Dans un contexte où les relations euro-maghrébines sont fragilisées par des tensions politiques et des déséquilibres économiques persistants, la diplomatie italienne pourrait bien ouvrir une nouvelle voie, faite de compromis, de coopération et de respect des intérêts mutuels.
L.R.



