Le dernier remaniement place la stratégie énergétique au cœur de l’action publique : en séparant Énergie (renouvelables) et Hydrocarbures & Mines, l’exécutif veut accélérer la diversification du mix, spécialiser les équipes et mobiliser des compétences éprouvées pour transformer les ambitions en résultats concrets.
L’élément majeur du remaniement est moins le changement de têtes que la transformation de l’architecture ministérielle. En dissociant les portefeuilles, le gouvernement institue une « architecture bicéphale » visant à concentrer moyens et décisions sur deux objectifs distincts mais complémentaires : déployer massivement les renouvelables et valoriser durablement les ressources fossiles et minières. L’idée est simple — réduire les frictions administratives d’un ministère trop transverse pour accélérer la mise en œuvre opérationnelle des politiques.
Sous la houlette d’un ministère dédié, la priorité est d’augmenter la part des énergies décarbonées : solaire, éolien, solutions de stockage et digitalisation des réseaux pour intégrer l’intermittence. La feuille de route attendue comprend la montée en capacité, l’intégration industrielle locale (fabrication de panneaux, turbines, systèmes de stockage) et le soutien aux acteurs nationaux — start-up, PME et centres de R&D — pour ancrer une chaîne de valeur nationale.
Le choix de Mourad Adjal à la tête du département Énergie et Énergies renouvelables illustre la logique opérationnelle du gouvernement : confier la transition à un technicien rompu aux réalités du réseau. Ancien PDG de Sonelgaz, Adjal apporte une expérience concrète de l’électrification, de la distribution et de la digitalisation — des atouts jugés essentiels pour accélérer la couverture des « zones d’ombre », améliorer l’efficacité opérationnelle et piloter la montée en charge des capacités renouvelables.
En parallèle, la création d’un ministère séparé pour les hydrocarbures et les mines, désormais dirigé par Mohamed Arkab, vise à maintenir un cap sur la sécurisation des revenus et la diversification des filières extractives. Cette séparation doit permettre de concilier exploitation responsable, optimisation de la valeur ajoutée et soutien macroéconomique — notamment pour financer la transition énergétique.
Attirer les investissements et favoriser la localisation industrielle
Le découpage ministériel est aussi pensé pour rendre l’État plus attractif aux investisseurs. Un ministère centré sur les renouvelables pourra lancer des dispositifs ciblés : partenariats public-privé, mesures d’accompagnement pour PME/start-up, programmes d’incubation et incitations à la production locale d’équipements. L’objectif affiché est de transformer les flux d’investissements en emplois, capacités manufacturières et exportations.
Parmi les chantiers prioritaires : moderniser les systèmes de gestion des réseaux, numériser les opérateurs et améliorer l’efficacité du service client. Un pilotage spécialisé devrait permettre d’agir plus vite sur la réduction des pertes, le traitement des réclamations et l’intégration technique des énergies intermittentes, tout en renforçant la résilience opérationnelle.
La réforme met l’accent sur l’accès équitable à l’énergie : couvrir les zones rurales et agricoles, réduire les disparités territoriales et sécuriser l’approvisionnement des activités économiques locales. Ce volet social et territorial est présenté comme indissociable de la réussite technique et industrielle de la transition.
La scission crée des opportunités mais expose aussi à des défis : coordination inter-ministérielle, clarté des responsabilités et fluidité des passerelles sur les sujets transverses (stockage, hydrogène, infrastructures partagées). La réussite dépendra de la capacité à maintenir une gouvernance cohérente, à attirer des investissements stables dans un contexte de volatilité et à traduire les ambitions en jalons mesurables.
Ce réarrangement institutionnel se veut un instrument pragmatique pour rendre la stratégie énergétique plus lisible et plus opérationnelle. En misant sur une gouvernance bicéphale et sur des responsables aux compétences avérées, l’État cherche à accélérer la diversification du mix, stimuler la compétitivité nationale et bâtir une trajectoire de croissance plus inclusive et durable. Le vrai test viendra avec les chiffres : capacités additionnelles installées, emplois créés, filières locales établies et amélioration tangible de la résilience énergétique.
L.R.