11.7 C
Constantine
mardi 7 octobre 2025

Rentrée 2025 : Douze millions d’élèves, une école en mutation

Must read

Ce dimanche, près de douze millions d’élèves ont regagné les bancs de l’école, accompagnés par un million de fonctionnaires — enseignants, cadres pédagogiques et personnels administratifs — pour donner le coup d’envoi de l’année scolaire 2025-2026. À première vue, il s’agit d’une rentrée comme les autres ; dans les faits, les autorités l’ont voulue porteuse d’une ambition claire : faire de l’école un lieu plus sain, plus moderne et plus équitable, au terme d’une préparation coordonnée à l’échelle de l’État.

Une rentrée « pilotée » : coordination ministérielle et dispositifs mobilisés

Les services ministériels ont communiqué sur une préparation logistique et pédagogique jugée « approfondie ». Ministères de l’Éducation, de la Santé, de la Jeunesse et des Collectivités locales ont été associés aux opérations — distribution des manuels, organisation des transports scolaires, cantines, livraisons de fournitures et versement de l’allocation spéciale de scolarité. L’effort, présenté comme collectif, répond à une double injonction : absorber une pression démographique persistante et améliorer les conditions d’apprentissage.

La mise en place d’une semaine thématique dédiée à la santé scolaire illustre cette volonté. Au-delà d’un effet d’annonce, les autorités entendent sensibiliser élèves et personnels au bien-être, à la prévention (hygiène, nutrition, santé mentale) et aux comportements à risque. C’est un volet politique fort : il replace l’école dans une logique de protection et de prévention, au-dessus de la seule transmission des savoirs.

Programmes et temps scolaires : alléger pour mieux apprendre

Sur le plan pédagogique, la rentrée introduit des modifications sensibles. Un allègement des programmes du primaire vise à réduire la surcharge et à recentrer les apprentissages sur l’essentiel. Concrètement, les horaires ont été réajustés : en première année moyenne, les élèves auront 3 h 30 de français et 3 h 30 d’anglais par semaine ; en troisième année primaire, l’arabe atteint 7 h 30, tandis que l’anglais et le français se stabilisent à 2 heures chacun. L’éducation physique passe à 2 heures hebdomadaires et l’éducation artistique bénéficie d’un gain de 45 minutes.

Ces rééquilibrages répondent à deux impératifs opposés : respecter l’impératif de maîtrise des fondamentaux (français, arabe) tout en renforçant l’enseignement des langues étrangères et l’expression corporelle et artistique. L’enjeu, pour les équipes pédagogiques, sera de transformer ces horaires en progressions efficaces — ce qui dépendra largement de la formation continue et des ressources disponibles.

Numérique : d’importantes promesses, des risques inégaux

La généralisation progressive de tablettes au primaire est présentée comme une mesure phare : alléger le cartable, diversifier les supports pédagogiques, et accélérer l’acquisition des compétences numériques. Parallèlement, le déploiement de plateformes pédagogiques et la formation des enseignants aux outils digitaux ont été programmés.

Ces avancées sont réelles, mais elles soulèvent deux questions majeures. D’abord, la fracture numérique : la réussite du dispositif suppose une couverture Internet fiable et un accompagnement technique dans toutes les écoles, urbaines comme rurales. Ensuite, la question de la pédagogie numérique : la présence d’un écran ne suffit pas ; il faut des contenus adaptés, une formation solide des enseignants et des garanties sur la protection des données des mineurs. Sans ces conditions, la tablette risque de rester un gadget ou d’accentuer les inégalités.

Infrastructures, transport et restauration : un maillage renforcé

Pour alléger les classes surpeuplées, de nouvelles écoles ont été réceptionnées et d’autres sont en cours de livraison. Le renforcement du transport scolaire, particulièrement ciblé vers les zones rurales, vise à améliorer l’accès à l’école et à réduire l’absentéisme. Les cantines, quant à elles, sont chargées de servir des repas chauds et équilibrés, conformément aux instructions présidentielles, et la distribution gratuite des manuels et fournitures est maintenue sans hausse de prix.

Ces mesures logistiques sont indispensables ; elles exigent toutefois un budget récurrent pour l’entretien des bâtiments, la maintenance du matériel informatique et l’exploitation des transports — des postes de dépense qui fragilisent parfois la continuité des services quand les ressources restent contraintes.

Recrutements, conditions de travail et dialogue social

La question des postes vacants reste au centre des préoccupations : des recrutements sont en cours pour garantir la présence d’un enseignant dans chaque classe, mais la qualité du recrutement et l’intégration des nouveaux professeurs conditionneront la mise en œuvre effective des programmes révisés.

Pour apaiser le climat social, le ministre de l’Éducation a engagé un dialogue avec les syndicats. Les autorités affichent la volonté de répondre aux revendications socioprofessionnelles et d’améliorer les conditions de travail des enseignants — reconnaissance salariale, temps de préparation, formation continue. L’effet de ces négociations sera déterminant : une profession enseignante motivée et soutenue est la condition première d’une réforme réussie.

Solidarité et filets sociaux : un filet de sécurité élargi

La rentrée s’accompagne d’un volet social affirmé : versement dans les délais de l’allocation spéciale de scolarité, distribution gratuite de manuels, dons d’associations et d’entreprises en faveur des familles vulnérables. Ces mesures atténuent les effets de la précarité sur la scolarité et renforcent l’efficacité des politiques d’inclusion. Elles témoignent d’une approche holistique — l’école, dit-on, ne peut être améliorée isolément : elle dépend aussi du soutien familial et de l’action sociale.

Les risques à surveiller et les conditions du succès

Malgré la densité des mesures, plusieurs risques persistent. Le contexte démographique impose une pression continue sur les infrastructures et les ressources humaines ; la généralisation du numérique sans infrastructure stable creusera les inégalités territoriales ; enfin, les ajustements de programmes nécessitent un accompagnement pédagogique soutenu — formation, ressources didactiques et évaluation fine des pratiques — pour produire des gains effectifs.

Le succès de cette rentrée dépendra donc d’un double facteur : la capacité des pouvoirs publics à transformer les annonces en moyens opérationnels et la mobilisation durable des acteurs de terrain — enseignants, parents, collectivités territoriales et associations. Sans cette convergence, les promesses resteront partielles.

Verdict provisoire

La rentrée 2025 se présente comme une feuille de route ambitieuse : santé scolaire, modernisation numérique, allègement des programmes, renforcement des infrastructures et dispositifs sociaux. Elle marque une orientation politique nette vers une école plus protectrice et tournée vers l’avenir. Reste à mesurer, au fil des mois, la traduction concrète de ces engagements dans la vie des classes et la progression des élèves. Car, au-delà des chiffres et des proclamations, c’est la qualité de l’enseignement quotidien qui dira si cette rentrée aura véritablement transformé l’école.

L.R.

- Advertisement -spot_img

More articles

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

- Advertisement -spot_img

Latest article