7.7 C
Constantine
vendredi 5 décembre 2025

Souveraineté numérique : Le grand virage IA

Must read

Depuis deux ans, l’Algérie est engagée dans la mise en œuvre concrète de sa stratégie nationale en intelligence artificielle. Entre formation des talents, consolidation d’une infrastructure numérique robuste et volonté de préserver la souveraineté des données, le pays tente désormais de passer du discours aux réalisations. Dans un entretien accordé à la Radio nationale, Abdel Malek Bachir, directeur de l’École supérieure de l’IA, dresse un état des lieux lucide et trace les contours d’une feuille de route devenue urgente.

Un tournant opérationnel déjà visible

L’IA n’est plus une promesse lointane : elle s’insère aujourd’hui au cœur des processus décisionnels de nombreux acteurs économiques et institutionnels, des banques aux assurances, en passant par les opérateurs télécoms et plusieurs entreprises publiques. « La technologie est devenue un levier essentiel d’amélioration de la performance et d’aide à la décision », affirme Bachir.
Face à cette adoption rapide, un double risque se précise : dépendre de solutions étrangères et utiliser des modèles incapables de prendre en compte les réalités linguistiques, culturelles ou juridiques algériennes. D’où l’idée-force qui structure désormais le chantier national : bâtir un modèle souverain d’intelligence artificielle, contrôlé, pertinent et adapté.

Le capital humain, priorité absolue

Au centre de cette stratégie, l’humain occupe la première place. Le directeur insiste sur la nécessité d’élargir et d’approfondir les formations : modernisation des cursus universitaires, multiplication des masters et doctorats appliqués, montée en compétences des écoles d’élite. L’objectif est clair : produire non seulement des ingénieurs, mais aussi des chefs de projets, des entrepreneurs et des experts capables de transformer la recherche en solutions industrielles.
Les partenariats public-privé, tout comme l’acquisition de compétences non techniques — éthique, droit, gestion de projet — deviennent indispensables. « Le diplôme seul ne suffit plus : il faut expérimenter en milieu réel », rappelle-t-il.

Infrastructures et souveraineté des données

L’Algérie dispose déjà d’un socle numérique solide, composé de centres de données et d’un réseau haut débit. Mais l’ambition d’autonomie impose de franchir un palier : création de centres de calcul spécialisés, labellisation et centralisation de jeux de données nationaux, renforcement des mécanismes d’anonymisation et de gouvernance.
Bachir insiste sur la construction de modèles entraînés sur des données locales, intégrant l’arabe dialectal, le tamazight et leurs variations régionales. La souveraineté ne se limite pas à l’hébergement : elle implique un cadre éthique, réglementaire et culturel cohérent.

Écosystème et régulation : le double moteur

Pour que l’innovation dépasse le stade du prototype, l’écosystème doit se densifier. Cela passe par des programmes d’incubation renforcés, un rôle accru des grands groupes — notamment banques, assurances et télécoms — et des dispositifs de financement adaptés : fonds d’amorçage, crédits d’impôt, marchés tests publics.
Parallèlement, un cadre légal anticipatif devient indispensable. Protection des données, responsabilité algorithmique, transparence des modèles, cybersécurité : les textes devront évoluer aussi vite que la technologie, sans bloquer l’innovation.

Former, protéger, sensibiliser

Conscient que les jeunes adoptent l’IA parfois sans compréhension des risques, Bachir appelle à une vaste campagne de sensibilisation nationale. Écoles, universités et familles doivent être accompagnées pour constituer une culture numérique solide et critique. L’éducation à l’IA, dit-il, doit devenir un réflexe citoyen.

Une ambition à prouver

L’Algérie dispose désormais d’atouts tangibles : volonté politique, talents, infrastructures. Mais la réussite dépendra de la capacité à coordonner universités, écoles d’excellence, agences de régulation, grands groupes et startups, tout en structurant un socle de données national fiable.
Pour Abdel Malek Bachir, l’enjeu dépasse la technologie : il s’agit de faire de l’IA un outil de performance économique, un vecteur de modernisation des services publics et un pilier de souveraineté. L’heure est venue de transformer la stratégie en démonstration.

L.R.

- Advertisement -spot_img

More articles

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

- Advertisement -spot_img

Latest article