Alors que l’intelligence artificielle accélère la collecte et l’exploitation des données à grande échelle, l’Algérie peine encore à appliquer pleinement sa loi sur la protection des informations personnelles. Malgré l’existence d’un cadre juridique dédié — la loi n° 18-07 du 10 juin 2018 — la mise en conformité demeure largement inachevée, constate Djallal Bouabdallah, expert en transformation numérique et premier invité de la semaine dans l’émission L’invité du jour.
Selon ce dernier, la législation prévoyait un délai d’un an pour permettre aux institutions, entreprises et organismes de s’adapter aux nouvelles obligations, délai déclenché lors de l’installation de l’Autorité nationale de protection des données à caractère personnel (ANDPD) le 11 août 2022. Logiquement, l’ensemble des acteurs concernés auraient dû être en conformité au 10 août 2023. « Les choses ne se sont pas déroulées comme prévu », résume l’expert.
Un retard important, malgré une prise de conscience émergente
L’état des lieux dressé par M. Bouabdallah montre une situation encore très disparate. « Il reste beaucoup d’éléments non mis en place. Les acteurs commencent à prendre conscience, mais la conformité est loin d’être totale », regrette-t-il. L’Algérie, affirme-t-il, entre seulement « dans l’ère de la conscience numérique », une transition qui demande encore du temps, de l’organisation et une culture de la responsabilité.
Citoyens peu sensibilisés, entreprises en progrès
Interrogé sur le niveau de sensibilisation du public, l’expert met en avant un déficit préoccupant : « Beaucoup d’Algériens ne connaissent pas leurs droits, ni ce que constitue réellement une donnée personnelle. » Une méconnaissance qui freine l’adoption de bonnes pratiques et rend difficile l’installation d’un véritable réflexe de protection numérique.
À l’inverse, certains secteurs structurés montrent des avancées notables. Banques, assurances et opérateurs télécoms progressent dans la mise en conformité et la sécurisation des données, aussi bien celles de leurs clients que celles de leurs employés.
Une mobilisation collective jugée indispensable
Pour réussir cette transition et garantir un environnement numérique conforme et sécurisé, Djallal Bouabdallah appelle à une synergie élargie. Il préconise une mobilisation commune entre l’ANDPD, les institutions publiques, les entreprises privées, les experts et les formateurs. « Il faut que tout le monde travaille ensemble : public, privé, jusqu’aux services de sécurité. C’est une question de souveraineté », insiste-t-il.
Pour lui, la protection des données ne se résume pas à un simple volet technique. Elle conditionne la confiance entre l’État, les entreprises et les citoyens, et constitue l’un des piliers d’une économie numérique solide, crédible et durable. « Si cette économie veut se développer, elle doit reposer sur la souveraineté, la confiance et la responsabilité », conclut-il.
L.R.



