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vendredi 5 décembre 2025

Gara Djebilet : Fer de lance de l’industrie

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Le projet de Gara Djebilet — vaste gisement de fer — s’impose comme le cœur du nouveau cycle industriel que veut engager l’Algérie. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a placé ce chantier stratégique au centre de son discours lors de sa visite à Constantine, annonçant une cérémonie imminente à Béchar pour marquer l’arrivée du premier convoi de minerai via la ligne ferroviaire Tindouf–Béchar. Ce dossier, selon le chef de l’État, n’est pas un simple projet d’extraction : il incarne le basculement d’un pays vers la transformation industrielle et l’indépendance productive.

« Pour la première fois depuis l’indépendance », a assuré le président, le fer extrait de Gara Djebilet transitera par voie ferrée vers Béchar grâce à une nouvelle ligne minière longue d’environ 1 000 km, réalisée en un an et demi. L’événement, programmé dans les semaines à venir, est présenté comme une victoire logistique et symbolique — une démonstration de capacité patrimoniale et technique.

Aux yeux du Palais, Gara Djebilet dépasse la simple exploitation minière : il s’agit d’un levier industriel destiné à nourrir les filières métallurgiques nationales, à réduire la dépendance aux importations de matières premières et à consolider la chaîne de valeur locale. Le transport massif de minerai permettra de structurer des zones industrielles autour des lignes ferroviaires et d’alimenter des unités de transformation, posant les bases d’une intégration industrielle durable.

Phosphate et logistique : un double front productif

À côté du fer, le chef de l’État a confirmé l’accélération du dossier phosphate avec la mise en marche prochaine du complexe de Bled El Hadba et la création d’une ligne ferroviaire dédiée au transport du phosphate vers Annaba. Selon les annonces officielles, la production nationale de phosphate devrait connaître un bond spectaculaire, passant de 2,5 millions à 10,5 millions de tonnes par an, une progression qui vise à positionner l’Algérie comme un acteur majeur des engrais et des minerais sur les marchés internationaux.

Tebboune a résumé sans détour la stratégie : « La nouvelle arme dans le monde est l’arme de la production d’engrais et de minerais. » L’objectif affiché est de tirer parti des ressources naturelles pour produire localement des biens à plus forte valeur ajoutée et gagner en souveraineté industrielle.

Un pari sur la logistique : lignes ferroviaires et maillage national

Les deux projets phares (Gara Djebilet pour le fer, Bled El Hadba pour le phosphate) s’appuient sur une architecture logistique ambitieuse. La nouvelle ligne Tindouf–Béchar, longue de 1 000 km et achevée en 18 mois, est présentée comme un exemple d’exécution rapide et de mobilisation de moyens. Une autre liaison ferroviaire, dédiée au phosphate, viendra fluidifier les exportations depuis les bassins miniers jusqu’aux ports, notamment Annaba.

Ces infrastructures ne sont pas que des outils de transport : elles constituent des leviers de développement territorial, ouvrant des perspectives d’industrialisation, de création d’emplois locaux et d’urbanisation autour des nœuds logistiques.

Industrie mécanique et fabrication locale : viser l’intégration

Le président a insisté sur la nécessité d’augmenter le taux d’intégration de l’industrie nationale, en particulier dans le secteur mécanique. L’objectif chiffré : parvenir à produire un véhicule intégrant 40 % de composants locaux. Cette ambition s’inscrit dans la logique plus large de valorisation des matières premières (fer, minerais) par la montée en gamme industrielle et la création de filières en aval.

Pour soutenir cette transformation, Tebboune a évoqué la création de nouvelles zones industrielles à Constantine et ailleurs, conçues pour attirer des investisseurs grâce à des garanties, des facilités administratives et des incitations économiques.

Investissement : un portefeuille de projets en croissance

Le chef de l’État a rappelé que l’Algérie dispose d’un vivier de projets d’investissement conséquents — plus de 17 000 dossiers enregistrés auprès de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement — signe, selon lui, d’une dynamique entrepreneuriale et d’un potentiel de création d’emplois. L’enjeu est désormais d’accélérer la transformation de ces projets en unités productives réelles, en sécurisant les investissements et en facilitant les partenariats publics-privés.

Jeunesse, start-ups et intelligence artificielle : la dimension humaine du projet

Au-delà des infrastructures, le président a placé la jeunesse au centre de la stratégie de développement. Facilitation des start-ups, révision des lois pour faciliter l’accès des jeunes aux postes de décision, encouragement à l’engagement politique et mise en avant des talents : Tebboune a martelé que les jeunes sont « la véritable richesse du pays ».

L’Algérie se targue également d’être le premier État arabe et africain à avoir créé une université dédiée à l’intelligence artificielle, signalant la volonté d’articuler la montée en puissance industrielle avec le développement scientifique et technologique national. L’objectif est double : doter les projets industriels d’une base de compétences locales et créer des synergies entre recherche, innovation et industrie.

Une politique sociale maintenue

Dans son allocution, le président a rappelé que la politique sociale demeure une priorité : l’Algérie, selon lui, reste le seul pays en Afrique et dans le monde arabe à verser une allocation chômage, un argument avancé pour souligner la persistance d’un filet social protecteur dans le cadre des transformations économiques.

Culture, tourisme et aménagement territorial : accompagner la relance

Tebboune a aussi promis un soutien accru aux initiatives culturelles et touristiques, assurant la disponibilité de l’État à financer des projets associatifs à Constantine, y compris un festival du cinéma. Sur le volet touristique, il a appelé les opérateurs privés à exploiter le potentiel local, tandis que l’État doit jouer son rôle d’organisateur et d’incitateur.

Bilan et perspectives : entre annonces et défis de mise en œuvre

Le discours présidentiel se veut volontariste : mise en avant d’« accomplissements majeurs », refus de l’endettement extérieur malgré la chute des cours pétroliers, et promesse d’un « nouveau départ » pour l’année à venir. Mais l’ambition affichée — notamment autour de Gara Djebilet et de la montée en puissance du phosphate — pose d’importantes questions opérationnelles : transformation locale du minerai, emploi industriel qualifié, intégration des PME locales dans les chaînes de valeur, financements à long terme, protection de l’environnement et acceptabilité sociale des grands chantiers.

La réussite du pari industriel dépendra de la capacité des autorités à traduire les annonces en réalisations concrètes, durables et inclusives, en mettant l’accent sur la gouvernance, la transparence des marchés, et la montée en compétences des ressources humaines.

L.R.

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