À l’approche de l’Aïd El Adha, le ministère de l’Industrie lance une nouvelle campagne de collecte des peaux de moutons avec un objectif ambitieux : récupérer jusqu’à 2 millions de peaux, contre seulement 500 000 l’an dernier. Une démarche à la croisée des enjeux économiques et environnementaux, qui vise à renforcer la filière nationale du cuir et des textiles techniques.
Depuis 2018, cette opération annuelle se structure progressivement comme un levier pour relancer des segments industriels en difficulté. Cependant, la qualité des peaux reste un défi majeur. L’an passé, seulement 29 % des peaux collectées étaient exploitables. Pour 2024, les autorités visent une amélioration avec un taux de 40 %, grâce notamment à une meilleure organisation de la chaîne de récupération.
« Il est crucial que le dépeçage se fasse de manière professionnelle, de préférence dans des abattoirs de proximité, afin d’éviter les dégradations », a souligné Mokdad Aggoun, directeur de la Veille stratégique au ministère de l’Industrie, lors de son passage sur Radio Chaine III.
Une stratégie intégrée à la filière textile
Au-delà du simple recyclage, cette opération s’inscrit désormais dans une stratégie industrielle de valorisation des sous-produits de l’élevage. Les peaux en bon état sont destinées à la transformation industrielle, principalement dans les secteurs du cuir souple, des textiles techniques et du feutre — des composants clés pour la maroquinerie, l’ameublement, mais aussi l’industrie automobile ou encore l’isolation.
Les peaux non exploitables, quant à elles, seront triées : la laine sera récupérée, tandis que les déchets organiques seront dirigés vers les centres d’enfouissement technique (CET) pour éviter toute nuisance environnementale.
L’Algérie cherche ainsi à rattraper son retard face aux grandes puissances de la transformation des peaux ovines. L’Italie, l’Espagne et la Turquie, leaders européens dans ce domaine, transforment des millions de peaux par an pour les besoins de l’industrie de luxe et du textile technique. La Chine, de son côté, demeure un acteur incontournable grâce à ses capacités industrielles et à un réseau de tanneries bien établi. Même des pays comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande, plus connus pour leur laine, valorisent également les peaux dans une logique d’économie circulaire.
Un enjeu de souveraineté industrielle
En Algérie, cette campagne se veut ainsi un point de départ vers une filière structurée, capable de capter une valeur ajoutée aujourd’hui largement perdue. « Cette matière première existe localement. Elle peut devenir un atout si l’on sait l’intégrer dans un circuit de production cohérent », conclut M. Aggoun.
L’Aïd El Adha pourrait donc devenir, au-delà de sa dimension religieuse, une opportunité industrielle, à condition d’une mobilisation collective et d’une logistique maîtrisée, du boucher au tanneur.
L.R.
