Fiat Algérie traverse une étape stratégique. Son usine de Tafraoui, près d’Oran, inaugurée en décembre 2023, a déjà franchi le cap des 50.000 véhicules produits. Mais alors que la filiale algérienne du groupe Stellantis affiche une montée en cadence rapide, deux annonces majeures viennent rebattre les cartes : l’arrêt de la Fiat 500, remplacée par la nouvelle Grande Panda. Des décisions locales qui s’inscrivent dans la stratégie mondiale de repositionnement du géant Stellantis, confronté à des défis d’électrification, de rentabilité et de diversification des marchés.
Tafraoui : pas d’augmentation des prix
Depuis son lancement, l’usine Fiat de Tafraoui s’impose comme un pilier de la relance automobile en Algérie. En moins d’un an, 50.000 véhicules y ont été assemblés, dont 33.000 pour la seule année 2024. Le constructeur vise 60.000 unités en 2025 puis 90.000 en 2026, renforçant son rôle dans le tissu industriel national.
« Ces résultats confirment la montée en cadence du site et sa contribution au développement de la filière automobile algérienne », souligne Fiat Algérie.
Mais cette réussite industrielle locale s’accompagne de mesures commerciales qui suscitent des interrogations.
Fin septembre, Fiat Algérie aurait annoncé une augmentation des tarifs de trois modèles produits à Tafraoui : le Doblo VAN, le Doblo Panorama Club et le Doblo Cult.
Une décision vivement critiquée par l’APOCE. Son président, Mustapha Zebdi, y voit une contradiction :
« En principe, plus le taux d’intégration est élevé, plus le coût du véhicule diminue », souligne-t-il, en pointant le manque de concurrence et l’opacité du contrôle des prix.
Cette information de hausse vient d’être démentie par la direction de Fiat Algérie.
Fiat 500 : clap de fin pour une icône
En parallèle, Stellantis a annoncé l’arrêt de la production de la Fiat 500 en Algérie. Symbole du retour de Fiat sur le marché algérien en mars 2023, la petite citadine avait d’abord été importée avant d’être assemblée localement.
La marque justifie cette décision par le lancement prochain de la Grande Panda, présentée comme plus adaptée aux attentes du marché.
« La production de la Fiat 500 cèdera sa place à la Grande Panda, marquant une nouvelle ère pour la marque Fiat en Algérie », indique Fiat El Djazaïr.
Les clients ayant commandé la 500 seront livrés, mais les nouvelles commandes basculeront vers la Grande Panda.
Grande Panda : le nouveau pari industriel
Produite en CKD (completely knocked down) avec un taux d’intégration initial de 20 %, la Grande Panda sera le modèle phare de Fiat en Algérie. Les inscriptions seront ouvertes sur le site officiel de Fiat dès l’annonce de la date de lancement.
Cette citadine élargie vise à remplacer la 500 sur le plan symbolique, tout en répondant à des besoins plus pratiques pour les familles algériennes. Elle s’inscrit aussi dans une stratégie mondiale de Stellantis, qui mise sur des plateformes modulaires pour réduire les coûts et élargir l’offre dans les pays émergents.
Stellantis : un repositionnement mondial
Les annonces de Fiat Algérie ne sont pas isolées. Elles traduisent le repositionnement stratégique de Stellantis, quatrième constructeur automobile mondial, né en 2021 de la fusion entre PSA (Peugeot-Citroën-Opel) et FCA (Fiat Chrysler Automobiles).
1. Rationalisation des gammes
À l’échelle mondiale, Stellantis procède à un resserrement de ses modèles. La Fiat 500, icône européenne, cède peu à peu sa place à des véhicules plus modernes et modulaires, comme la Grande Panda ou les modèles reposant sur la plateforme STLA Small, destinée aux petites citadines et SUV urbains.
2. Électrification accélérée
Le groupe investit massivement dans l’électrification. Il a lancé son plan Dare Forward 2030, qui prévoit que 100 % des ventes en Europe soient électriques à l’horizon 2030. La 500e, version électrique de la Fiat 500, reste produite en Europe, mais Stellantis réoriente ses versions thermiques vers des marchés émergents où la demande reste forte.
3. Diversification géographique
Face au ralentissement des ventes en Europe et à la guerre des prix sur l’électrique, Stellantis intensifie sa présence en Afrique et au Moyen-Orient. L’Algérie est une pièce maîtresse de ce puzzle, tout comme le Maroc et la Turquie, déjà intégrés dans la chaîne de production mondiale du groupe.
4. Objectif rentabilité
Stellantis vise une marge opérationnelle supérieure à 10 %, grâce à la standardisation des plateformes et à la réduction des coûts. L’arrêt de la Fiat 500 thermique en Algérie illustre cette logique : abandonner les modèles à faible volume pour concentrer les moyens sur des véhicules modulaires à succès.
Si Stellantis parvient à inscrire son site de Tafraoui dans une stratégie mondiale cohérente, le défi reste de taille sur le plan local. L’arrivée de la Grande Panda pourrait incarner une réussite industrielle si elle parvient à séduire un large public, tout en atteignant les objectifs de production fixés par le groupe.
L’avenir de Stellantis en Algérie se jouera donc à la croisée de deux dynamiques : la logique mondiale de rentabilité et d’électrification, et les attentes locales d’accessibilité et de transparence.
L.R.
